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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/92

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

grasses avaient tendu la peau sous la barbe trop clairsemée, argentée par endroits. Il avait pris coutume de se faire raser le crâne. Mais de sa beauté ancienne, l’air grave et hautain subsistait. Cela suffit pour que, assise dans le trône de marbre noir où Copronyme avait siégé, Irène s’estimât un peu moins sûre de sa puissance. Elle regarda Protargyre, le sourd-muet protecteur de ses mystères, garçon massif, au front surplombant des yeux petits et féroces. Elle eut peur d’apprendre sur cette physionomie qu’il la jugeât moins souveraine devant le moine dur et debout afin de la dominer par la taille.

Le muet crut distinguer un signe avertisseur de l’impératrice. Il guettait en s’appuyant sur sa double hache damasquinée, ainsi que sur un bâton de voyageur.

— Ô Jean Bythométrès, puisque ma confiance s’est reposée sur ta fidélité, tu es curopalate. Mon autorité le confirme aujourd’hui. Voici le sceau et voici l’acte. Es-tu content, mon maître de mathématiques ?

Jean sourit un peu de ses lèvres molles et flétries que des rides entouraient.

— Certes, Irène, le maître de mathématiques, comme tu dis, est content de servir ici ta Majesté, comme il fut content autrefois de servir ton esprit… Et tes yeux me voient à tes pieds dans la posture convenable pour un sujet que gratifie la bonté de légitimes Souverains… Mais ta complaisance ne voudra-t-elle pas écouter le ministre de tes sagesses,