Aller au contenu

Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
IRÈNE ET LES EUNUQUES

tant que l’eau de la clepsydre, montant à l’intérieur du socle, clèvera son niveau jusqu’à la fin de l’heure marquée sur la colonne ?…

— Mes oreilles accueilleront tes paroles. Assieds-toi ; je t’y convie…

Inquiète, elle s’accouda sur l’appui que soutenait le taureau de marbre. Elle craignait l’influence de Jean, et qu’il n’exigeât trop en lui rappelant leurs amours anciennes, le sacrifice prudent et cruel, toute l’histoire qu’il avait eu la finesse d’oublier si longtemps. Elle s’encourageait à répondre : « Irène de Byzance ne doit plus connaître d’Irène d’Athènes. Va. » Bien qu’elle eut honte, par avance, de cette phrase cruelle et lâche, elle inventait des motifs de justification. Et cela fit qu’elle n’entendit pas d’abord le discours du moine. Machinalement elle regardait Protargyre dont les larges épaules en justaucorps de samit jaune s’adossaient au mur poli, dont les jambes robustes se cambraient dans le caleçon écarlate.

— Onze ans déjà ! Onze ans, Irène, depuis le jour où la galère impériale du Copronyme te vint quérir au Pirée pour te conduire au promontoire d’Hieria, Toi, Lèvres de l’Esprit, et ma Science que contenait ton âme. Ma Science, à ce qu’il semble, n’a rien trahi des prévisions qu’elle faisait pour ton destin. Souviens-toi : dans le petit jardin, au bord de la fontaine où riait la figure de plomb païen, j’ai averti ta jeunesse…

— Tu m’as dit que je serais comme la lampe rem-