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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

région montueuse et boisée on ne peut plus favorable pour la guerre de partisans.

Des compagnies franches avaient été formées ; elles travaillèrent d’abord utilement à ravitailler Langres, et gênèrent beaucoup les fourrageurs ennemis ; mais ce que se proposait surtout le comité de défense, c’était de couper les principales communications avec l’Allemagne que gardaient, à travers la Lorraine et l’Alsace, les armées d’invasion.

Le soir du 18 janvier, au moment même où Paris préparait sa dernière sortie, — l’héroïque folie de Buzenval, — plusieurs compagnies de francs-tireurs, chasseurs et mobiles, quittaient le quartier général établi dans la région la plus sauvage des Vosges, à la cime de la montagne du Crochet, au centre même de la forêt de Boëne.

Cette forêt couvre un vaste plateau d’un accès toujours difficile, rendu plus difficile encore en ce terrible hiver de 1870 par les accumulations de neige. Au point culminant, se trouve une maison forestière. Autour de cette maison, on avait construit plusieurs baraques pour loger les troupes ; d’une maisonnette voisine on avait fait une redoute ; grâce à des abatis d’arbres et à quelques travaux de terrassement, cette position naturellement forte de la montagne du Crochet avait été promptement transformée en une véritable citadelle.

Mais ce qui valait mieux peut-être que la possibilité de résister aux entreprises des colonnes expéditionnaires qui surveillaient le pays, c’était l’ignorance absolue de l’ennemi touchant l’existence de ce campement, dit de la Vacheresse, du nom d’un village voisin, et que les francs-tireurs, dans leur foi robuste, préféraient appeler le campement de la Délivrance.

C’est de ce camp fortifié que descendait à la nuit close, par des sentiers impraticables, un millier d’hommes déterminés à répondre dignement à l’attente des chefs hardis et courageux autour desquels ils étaient venus se ranger. C’étaient là les premiers pas d’une expédition mystérieuse, grosse de périls. Il y avait plus de quatre-vingts kilomètres à parcourir par le froid et les neiges, dans l’une des régions les plus accidentées de la France, à travers de hautes collines aux pentes abruptes, des gorges profondes, des vallons perdus et des bois inextricables, en marchant à l’ouest de la chaîne principale des Vosges et au nord des monts Faucilles qui s’en détachent, et en passant de préférence par les plus mauvais chemins, par cette raison, les moins surveillés.

Dans la belle saison les sommités du massif des Vosges, aux contours