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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/15

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

tique. La contrée tout entière semble consacrée au souvenir de l’héroïne et subit la vivifiante influence de son nom.

Pour nous, saluons au début de ce récit cette glorieuse et touchante figure !

Lorsque la colonne expéditionnaire ne pouvait se dispenser de traverser un village, ordre était donné de bousculer les curieux et de les effrayer au risque de recevoir quelque coup de fusil dans le dos. Comme il fallait absolument éviter toute indiscrétion qui, par les espions répandus dans les campagnes fût promptement parvenue à l’ennemi, les soldats alsaciens de la troupe, pour faire rentrer au plus vite les paysans chez eux, coupaient l’air de jurons allemands ; c’était à croire au passage d’une de ces patrouilles de landwehrs qui, du bourg de Vézelize, où l’ennemi était en force, s’avançaient d’ordinaire jusqu’à Colombey, ville que la colonne des francs-tireurs laissait à sa droite.

Mais il était moins facile d’échapper à l’examen défiant des brocanteurs juifs, venus à la suite des armées étrangères dans de petites charrettes traînées par des chevaux étiques et recouvertes de sordides bâches de toile. Tout à tour humbles ou menaçants, ils s’introduisaient, s’imposaient partout, se faisaient redouter par leurs délations. Ces Juifs, avec les marchands de tabac d’Allemagne, les vivandiers, les aventuriers et gens sans emploi et jusqu’à des mendiants d’outre-Rhin, traînant après eux femmes et enfants en haillons, constituaient l’élément civil — et immonde — de l’invasion, bien plus repoussant que l’élément militaire. Ces conquérants de la deuxième heure suivaient, sur les chemins, les bataillons ennemis comme les vautours et les corbeaux les suivaient du haut des airs.

Les francs-tireurs du commandant Bernard avaient hâte d’atteindre les premiers contreforts du vaste plateau boisé qui s’étend entre les vallées de la Meuse et de la Moselle. Là, au moins, en cas d’attaque, il serait possible de trouver de bonnes positions de défense sur les ruisseaux et les ravins qui relient ce plateau à la plaine ; en se dérobant pour déboucher plus loin vers la Moselle, le succès de l’expédition n’était nullement compromis.

Dans cette partie de la marche, les hommes enfonçaient dans la neige jusqu’aux genoux ; ils avançaient lentement et au prix d’une fatigue extrême.

Fort avant dans la nuit, les compagnies franches entraient silencieusement dans la principale rue de Vannes-le-Châtel, lorsque plusieurs chiens se mirent à aboyer. Quelques fenêtres s’entr’ouvrirent.

Aussitôt les Alsaciens s’interpellèrent avec vivacité en allemand pour intimider la population du village et lui donner le change. Le commandant Bernard, en quittant le camp de la Délivrance, avait eu la précaution de se munir