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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/154

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le petit Parisien venait de faire ses adieux à son ami Maurice, et roulait vers Orléans en la maussade compagnie de Hans Meister, assis l’un et l’autre sur les dures banquettes de bois d’un wagon de troisième classe, encombré de voyageurs.

Jean tenait un indicateur des chemins de fer, et énonçait à haute voix les stations principales du parcours :

— Gannat, Commentry, Montluçon, Saint-Amand-Montrond, Bourges, Vierzon, Orléans ! — Orléans… bien près de Paris !

Cela lui rappela qu’il n’avait pas encore écrit à l’oncle Antoine.

Quant à l’Allemand, il ne regardait rien, ni personne. Jean avait eu soin de se placer entre la portière et lui, afin de l’empêcher de s’échapper, si cette envie le prenait. Le compère de Jacob n’avait prononcé qu’une parole depuis le départ :

— C’était trop cher à Clermont ! Beaucoup trop !

Il avait dû tout payer ; — ce n’était, il est vrai, qu’une avance sur la valeur de la maison du Niderhoff ; mais cela lui coûtait beaucoup à Hans Meister. Tout payer ! même, sans doute, les coups donnés et reçus sur la grande route, qui devaient bien se trouver sur la note pour qui aurait su lire entre les chiffres. Beaucoup trop cher ! Sur ce thème, son esprit assombri brodait mille fioritures, composait mille combinaisons vengeresses ; son visage s’allongeait, son nez s’amincissait comme une lame de sabre, sa bouche se contractait… Soudain le train s’arrête.

— Riom !… Riom !… crie un employé en défilant devant les wagons. Riom ! Riom !

Cela avait l’air d’une ironie à l’adresse de l’Allemand.

— C’est une ville, lui dit Jean, non sans malice.

— Qu’est-ce qu’il a ce saint homme ? demanda à demi-voix une dame du pays assise vis-à-vis de Jean.

— Il a… des inquiétudes, répondit Jean.

— Des maux de dents, peut-être ?

— Peut-être.

— Vous allez loin ?

— À Orléans. Je voyage… pour mon instruction. C’est mon professeur d’allemand.

— Si vous voyagez pour votre instruction, dit la dame, regardez encore une fois le puy de Dôme : il va disparaître. Ah ! vous voyagez pour votre instruction ! Dommage que vous ne puissiez pas aller jusqu’à Randan, à trois