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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

lieues d’ici ; vous y verriez le château reconstruit par la sœur du roi Louis-Philippe… en briques roses et grises. Quand j’étais jeune, les princes d’Orléans venaient chasser dans le parc et dans la forêt de Randan.

Le train roulait vers Gannat.

— Dommage, dit encore la loquace voyageuse que nous contournions dans une tranchée la butte de Montpensier : si les chemins de fer passaient par-dessus les montagnes, vous auriez de là-haut une vue magnifique, avec les monts Dores au bout et les montagnes du Forez… Voilà Gannat. C’est ici que je descends…

Jean aperçut sur la limite de la ville trois ou quatre tours à demi ruinées, et questionna.

— C’est tout ce qui reste des anciennes fortifications… Et du vieux château, là-bas, on a fait une prison.

— Partout il y a des prisons, observa Jean.

— Il en faut.

— C’est qu’il y a tant de coquins !

— Sûr ! dit la dame en sautant du wagon.

Hans Meister aurait bien eu envie d’en faire autant ; mais la vieille prison, sur laquelle il jeta un regard louche, lui donna froid aux os.

Gannat est à la limite sud du département de l’Allier, formé de l’ancien Bourbonnais, province célèbre par le nom d’une famille de rois qui descendaient des sires de Bourbon.

C’était un dimanche. Le wagon s’emplit d’hommes et de femmes de la campagne, gens assez nonchalants d’allure, mais à première vue d’un caractère très doux.

Ceux de ces paysans qui venaient de localités éloignées des villes portaient des vestes rondes, de larges pantalons, des sabots ou de gros souliers, un chapeau à larges bords, d’où s’échappaient de longs cheveux flottants ; leurs femmes et leurs filles étaient vêtues de robes à taille courte et à gros plis, rouges pour la plupart, avec des tabliers à bavette blancs ou d’une claire étoffe rayée ; elles étaient coiffées de chapeaux de paille relevés en arrière et par devant en forme de bateau, ornés sur le sommet de la tête d’une large cocarde de rubans, chapeaux qui, noués sous le menton, encadraient souvent à merveille de fort jolis visages.

Tout ce monde se mit à plaisanter, dans un assez bon français, du reste, mêlé de quelques expressions surannées, mais prononcé en traînant sur les finales. D’un compartiment à l’autre, l’Allemand devint le sujet de spirituelles