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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Peut-être ! fit Jean. Monsieur, ajouta-t-il, est-ce que vous ne connaîtriez pas à Orléans un ancien soldat de 1870, nommé Vincent Isnardon ?…

L’hôtelier se mit à réfléchir, à fouiller dans sa mémoire.

— Il s’est battu dans les Vosges jusqu’au bout, reprit Jean. Il était sergent dans la compagnie franche du capitaine « bleu… » Le père de ce Vincent était à cette époque cultivateur aux environs de la ville.

— Cultivateur aux environs ! Ce n’est pas sitôt vu que ça, les environs ! Laissons de côté la Sologne qui commence au sud du département ; mais il y a la plaine de la Chapelle-Saint-Mesmin, admirablement cultivée ; il y a aussi tout le long de la Loire des jardins et des pépinières d’où sont expédiés en quantité dans toute la France, fleurs et arbustes ; il y a encore les coteaux de Saint-Ay ; là c’est la vigne que l’on cultive avec profit. Est-ce à Meung ? est-ce à Beaugency, en descendant la Loire ? Est-ce au contraire en amont d’Orléans ? du côté de Jargeau ? de Sully ? de Gien ? Vous tenez beaucoup à trouver cet Isnardon, mon enfant ?

— C’est une question d’honneur… pour ma famille.

L’hôtelier hocha la tête d’un air peu encourageant.

— Vous cherchez le fils, si je comprends bien ? Voyez donc d’abord dans les fabriques de lainages, voyez chez les vinaigriers qui emploient beaucoup de monde.

— En demandant un sergent des francs-tireurs, il me semble que…

— Ah ! tous ces braves gens sont dispersés… Beaucoup sont morts de fatigue, des privations endurées…

— Ne me découragez pas trop, murmura Jean d’une voix presque suppliante.

— Non, mon enfant, lui répondit avec bonté l’hôtelier, je m’en garderais bien ; car sans vous connaître je m’intéresse déjà à vous.

Le lendemain Jean, accompagné de Hans Meister, entreprit de visiter les établissements industriels de la ville. Il commença par les vinaigriers. Orléans en compte cent cinquante environ qui fabriquent ensemble au moins deux millions d’hectolitres de vinaigre : un océan — où nageraient à l’aise les cornichons du monde entier !

Cette fabrication est des plus simples, car le vinaigre se fait presque tout seul. Dans les immenses celliers de tel fabricant, on voit jusqu’à six ou sept cents fûts rangés debout sur trois étages de planchers. Ces fûts ont deux trous pratiqués sur le fond supérieur ; l’un de ces trous sert au dégagement de l’air. Par l’autre, on introduit d’abord un peu de vi-