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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/172

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Mais alors son voyage n’aurait eu qu’un médiocre résultat ; il se retrouverait en face du placide ouvrier ébéniste dont l’indifférence le révoltait…

Il dut, en rentrant à l’hôtel, faire connaître sa situation, et raconter ce qui était arrivé à son compagnon. Après quoi, il écrivit quelques lettres, à Mauriac, à Clermont-Ferrand, à Paris, remettant au lendemain de prendre un parti.

Le pauvre petit, amené à réfléchir comme un homme, se tenait à la fenêtre de sa chambre ; les derniers bruits de la ville, de bonne heure endormie, s’éteignaient l’un après l’autre. On parlait à l’étage inférieur. Une voix ample, sympathique, exposait des théories sur un art quelconque, la musique probablement… et même à n’en plus douter, la musique religieuse, car la voix venait d’entonner un motet. Lorsque le chant cessa, l’auditeur du musicien, son interlocuteur également, approuva chaleureusement :

— Bravo, Modeste ! Bravo ! C’est que ça y est !

— N’est-ce pas ? dit l’autre avec un accent de triomphe.

Jean reconnut alors son vicariant d’Auvergne, Modeste Vidal, à qui il avait quelque obligation. Quelque chose lui dit que ce garçon se trouvait de nouveau sur sa voie pour lui venir en aide une seconde fois. Sans hésiter, le petit Parisien descendit un étage, et frappa à la porte. Le musicien vint ouvrir et Jean lui sauta au cou, l’étreignant avec force.

— Qu’est-ce donc ? demanda un homme âgé qui demeurait assis, ne paraissant pas y voir beaucoup. Il portait une grande barbe blanche.

— Monsieur Pascalet, c’est un gentil enfant dont j’ai fait connaissance, près de ce Roc du Merle dont je vous ai parlé ; il me tombe du ciel dans les bras.

— Est-il vraiment si gentil ? Alors, ami, c’est que ta musique fait descendre les anges du ciel.

Jean expliqua sa présence à Orléans et raconta ce qu’il avait fait depuis sa séparation d’avec Modeste Vidal en vue du château de Fontanges. Comme on le pense bien, l’Allemand ne fut pas oublié.

— C’est assez gai au fond, observa le vieux homme. Si j’étais romancier j’utiliserais ces péripéties. Mais, ajouta-t -il, je ne suis qu’un modeste peintre de mœurs.

Ce fut au tour de Modeste Vidal de prendre la parole. En deux mots, il apprit à Jean comment il avait rencontré à Murat le père de son premier maître de musique — un compositeur de génie, celui-là ! tué par la mal’aria à Rome. M. Marius Pascalet se trouvait au moment de quitter l’Auvergne pour venir étudier l’Orléanais et la Touraine, très embarrassé par la défection de son se-