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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/189

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

vreuils et de sangliers ; des garennes, de nombreux terriers et de grandes prairies, y fixent le gibier de poil et de plume ; le Cosson qui traverse le parc est poissonneux ; ses bords encombrés de joncs et de roseaux servent de retraite aux oiseaux aquatiques ; mais que peut faire de toute cette abondance un propriétaire qui vit ici dans l’isolement ?

» Le maréchal de Saxe, que Louis XV avait voulu récompenser de ses services en lui faisant don du château de Chambord, s’y serait trouvé bien seul, si le roi n’avait eu la délicate pensée de l’y faire suivre par ses deux régiments de hulans ; on bâtit des casernes à la porte du château, et le maréchal put continuer de mener à Chambord une vie toute militaire. Chaque matin, il faisait manœuvrer ses deux régiments ; les trompettes sonnaient du haut des terrasses du château les différents exercices du jour. Le maréchal donnait des soins particuliers à un haras formé de fougueux chevaux de l’Ukraine, qui vivaient dans le parc dans une demi-liberté.

» Avant Maurice de Saxe — qui mourut à Chambord — le château eut encore un hôte de passage, le roi de Pologne Stanislas Leczinski. Il y demeura huit ans ; c’est-à-dire jusqu’au moment où lui fut confiée la souveraineté viagère de Bar et de Lorraine. C’est le roi Stanislas qui fit combler les fossés qui entouraient le château.

» Il faut remonter ensuite jusqu’à François Ier pour surprendre Chambord en pleine vie. C’est ce roi qui l’avait fait construire, préférant les plaines sablonneuses de la Sologne aux collines pittoresques et verdoyantes de la Loire, du Cher, de la Vienne, de l’Indre, de la Creuse, et aux ruisseaux qui arrosent les campagnes fertiles de la Touraine.

— Êtes-vous curieux, mes amis, poursuivit M. Pascalet, de connaître le nom de l’architecte qui a enfanté cette conception si digne de la Renaissance ? Je serai fort embarrassé de vous le dire. Le fait est qu’on l’ignore. On a mis en avant les grands noms du Primatice et de Vignole. Tout bien considéré, il paraîtrait qu’il faut faire honneur de ce chef-d’œuvre à un « maistre maçon » d’Amboise ou de Blois, nommé Pierre Nepveu dit Trinqueau.

— Voilà qui me plaît, dit Modeste Vidal : une gloire nationale de plus.

Jean approuva de la tête — gravement.

Le vieux savant reprit :

— On a plaisanté sur ce surnom de Trinqueau. Eh bien ! quoi ? notre homme aurait-il appartenu à cette bande de joyeux artistes tourangeaux qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, et qui sut toujours apprécier les produits généreux des coteaux de la Loire et du Cher ? Si les vins pétillants du Vouvray,