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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/19

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Et il avait des mouvements de tête qui secouaient son immense bonnet de coton.

— Mes amis, je vous laisse mon Jean ; je vous le confie. Vous en aurez bien soin, n’est-ce pas ? Jean, tu obéiras comme il faut à mère Jacqueline, qui est un peu ta tante, et au père Barnabé. Si tu es bien sage, je le saurai à mon retour… et je te donnerai un beau sabre…

— Oui, pour couper la tête aux Prussiens ! fit l’enfant radieux.

— Lai ! lai ! Et si tu ne reviens pas, Jacob ? demanda le père Barnabé, en gémissant. Il aurait mieux valu que les Prussiens te gardent en prison à Nancy !

— Ou que la blessure de ma jambe, encore une fois rouverte, me retienne au village ? Si je ne reviens pas ? Ah ! voilà le chiendent ! Si je ne… revenais pas… eh bien ! vous feriez savoir à la mère du petit que… je suis parti avec les compagnies franches.

— Mais où ça qu’on va ? demanda la vieille paysanne.

— Je n’en sais rien ! Suffit que j’emboîte le pas au commandement de marche ! Quand nous aurons délivré Paris, si je ne réponds pas à l’appel, vous écrirez à la belle-mère : vous savez, la veuve Bertrand, giletière, rue Marie-Stuart.

— On doit bien la connaître, puisqu’elle est Parisienne, observa la mère Jacqueline.

— Tous ne seront pas morts de faim, ni écrasés par les bombes, dit encore Jacob Risler. Que Dieu les assiste !… Et qu’il me garde aussi ma chère Hortense et ma petite Pauline !…

— Mais donc ! pourquoi ta femme s’est-elle laissé enfermer dans Paris ? s’écria le père Barnabé.

— Est-ce sa faute ? Puisque sa mère était au plus mal… et qu’on a clos les portes ?…

Le garde forestier redevenu soldat — beaucoup trop tardivement à son gré — distribua de vigoureuses poignées de main à la vieille femme et à son mari. Puis, saisissant son fils, il l’enleva, le serra avec force contre sa poitrine et lui donna sur la bouche deux ou trois baisers retentissants.

Attendri, il regardait cet enfant longuement, comme si sa résolution allait faiblir ; mais pour croire cela il n’aurait pas fallu connaître la trempe de caractère du brave soldat de l’armée d’Italie.

Si tu m’emmenais à la guerre ? suggéra l’enfant en s’emparant familièrement des moustaches de son père.