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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/20

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Faut que tu manges encore bien de la bouillie, mon blondin, afin de devenir grand.

Il déposa le petit Jean et lui dit d’une voix douce, quasi maternelle :

— Sois bien sage, mon petit Risler, sois bien sage ! Et souviens-toi qu’il n’y a jamais eu de traître du nom que tu portes.

— En voilà une farce ! répétait le père Barnabé, qui avait arraché son bonnet de coton. Alors c’est dit ? demanda-t-il d’une voix altérée et la face apoplectique.

— C’est sans remise. Si l’on me demande : absent par congé.

La paysanne frappa énergiquement dans ses mains ; elle paraissait, malgré tout, prendre son parti de ce qui arrivait :

— Tuez-en beaucoup ! dit-elle à demi-voix.

Jacob Risler sortit. La neige tombée amortissait le bruit de ses pas.

— Père, lui cria le petit au moment où il s’enfonçait dans l’obscurité, bien grand, le sabre !

Risler eut vite rejoint la colonne et fut placé à l’avant-garde.

La troupe, ainsi augmentée d’un volontaire, arriva vers trois heures du matin à la ferme de Saint-Fiacre, située en plein bois au-dessus de Gibeaumeix. Là on pouvait avoir une sécurité relative, se permettre quelque repos. Ceux des francs-tireurs qui se tenaient encore debout se donnèrent l’apparence de bûcherons, et la hache au poing, ils s’éparpillèrent autour de la ferme pour y faire sentinelle.

Jacob Risler, le plus dispos de tous, demanda à être du nombre de ces derniers, et donna des preuves multiples de bonne volonté.

Toutes les issues de la ferme étant solidement barricadées, les hommes s’empilèrent dans les granges et les écuries, résolus du reste à se laisser rôtir vivants plutôt que de se rendre, si l’on venait les relancer jusque-là.

Au jour, les chefs tinrent conseil pour fixer enfin, avant de faire un pas de plus, l’objectif de l’expédition.

On n’était d’accord que sur un point : faire le plus de mal possible aux Prussiens, et tenter quelque chose qui pût être utile à Paris affamé et bombardé.

Il y avait trois projets à examiner sérieusement : détruire un des ponts de Liverdun, ou le pont de Fontenoy, ou faire écrouler le tunnel de Foug. Grâce aux renseignements fournis par les ingénieurs du chemin de fer de l’Est, on savait que le pont de Fontenoy et le tunnel de Foug étaient minés, et que les Prussiens ignoraient l’emplacement de ces mines.