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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le petit Parisien se consola de la médiocre impression produite par le baronnet en pensant qu’à bord du yacht on ferait sans doute une formidable consommation de ces pruneaux renommés, et que miss Kate, ainsi que miss Julia, lui en fourreraient plein ses poches.

Le yacht à vapeur ! Jean ramenait tout à ce yacht : le yacht, la mer et puis, un port : le Havre ; Reculot, la preuve matérielle de l’honorabilité de son père recouvrée ! Hors de là, plus rien…

Comme sir William Tavistock sortait pour aller faire ses derniers achats, — sans oublier les fameux pruneaux, comme on le pense bien, — trois lettres arrivaient à l’adresse de Jean Risler. L’une était timbrée de Mauriac ; les deux autres venaient de Mont-Dore-les-Bains. Jean reconnut dans la première l’écriture de son ami.

Bordelais la Rose lui disait que quelques heures avant de tenir sa lettre, il lui était revenu subitement à l’esprit que Reculot devait habiter le littoral normand. Le charpentier approuvait tout ce que Jean avait fait, et l’encourageait à continuer, en utilisant les moyens qui s’offraient à lui, grâce à la protection de « l’English ». La belle montre offerte par miss Kate, et le billet de 500 francs n’étaient pas oubliés. Ces choses réglées, Bordelais la Rose se plaignait d’être encore pour une semaine à l’infirmerie, c’est-à-dire en prison, tandis que Jacob Risler, à peu près guéri, avait été rendu à la liberté.

Je ne sais précisément depuis combien de jours, disait Bordelais la Rose, parce qu’on nous a séparés depuis un matin où, au saut du lit, pour inaugurer notre double convalescence nous nous sommes administrés une tripotée… Sac et giberne ! le coquin est libre tout de même ! Moi, je retournerai à Mérignac, dès qu’on m’ouvrira la porte, ce qui ne peut tarder. »

Le charpentier ajoutait :

« J’ai reçu la visite de « mon canard » et de son aimable fille Victorine. Ce brave père Abel, qui porte encore sur son visage quelques marques de la bataille, n’a pas craint de faire le voyage d’Aurillac pour venir me serrer la main. Il m’a dit qu’on avait vu Jacob Risler à Aurillac pendant quelques heures. Il a procédé au déménagement de ses effets et de ceux de son compagnon. Il paraît que cet Allemand a fini par perdre la confiance de la maison de Strasbourg pour laquelle il faisait des achats dans le Cantal. Sac et giberne ! ce n’est pas trop tôt. Ses patrons se sont aperçus, au désordre de sa correspondance, qu’il déménageait au galop. Personne ne sait ce qu’il est devenu. Naturellement, je me suis dispensé de dire qu’après t’avoir accom-