Aller au contenu

Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

inconnues : lauriers-roses, grenadiers, figuiers, myrtes, camélias et aloès y croissent comme en Provence.

Miss Kate et sa sœur suivirent de près le petit Parisien. L’aimable amie de Jean, après quelques informations recueillies auprès de Henry Esmond et du pilote sur la position du navire, et quelques notes prises sur le littoral en vue, disparut avec un petit air imposant et mystérieux qui intrigua Jean au plus haut point.

Henry Esmond s’approcha de sa fiancée.

— Chère amie, lui dit-il, votre charmante sœur a plus de facilités pour tenir son livre de bord, ainsi qu’elle appelle son journal, que vous pour orner votre album de curiosités artistiques ou naturelles… C’est dommage, car elles abondent dans ces régions. Ce seraient — sans sortir du Morbihan — les pierres levées de Carnac, disposées en piliers d’avenues au nombre de plus de cinq cents et qu’on a comptées par milliers avant que les paysans les détruisissent pour en clôturer leurs champs ; ce serait la pyramide de quinze mètres élevée entre Ploermel et Josselin sur la lande de Mi-Voie, où fut livré, au milieu du quatorzième siècle, le fameux « Combat des Trente », entre Beaumanoir assisté de ses chevaliers bretons et Bamborough ayant pour compagnons des Anglais, des Allemands et des Brabançons : vous savez le mot héroïque d’un des guerriers bretons à son chef blessé, qui, dévoré d’une soif ardente demandait à boire : « Bois ton sang, Beaumanoir ! »

» Ce serait le pont suspendu du petit port de la Roche-Bernard, qui franchit la Vilaine bien au-dessus du flot de haute marée et laisse passer sous son tablier, voiles déployées, les grosses barques qui montent vers Redon. Ce serait le « pardon » de Sainte-Anne d’Auray, très pittoresque par sa foule de pèlerins venus de tous les points de la Bretagne dans les costumes de leurs villages. On y compte de trente à quarante costumes assez différents ; il y a des habits à la mode de Louis quatorzième, portés avec bas noirs, souliers à boucles et chapeau à larges bords ; il y a de courtes jupes rouges avec corset entr’ouvert et bavolet blanc qui rappellent le vêtement des paysannes suisses ; on y voit jusqu’à des pâtres couverts du sayon de poil de chèvres. Ce serait…

— Mais il faudrait voir toutes ces choses de près, interrompit miss Julia. Pensez-vous aussi, eût-on des croquis, qu’il fût possible de tenir un crayon d’une main bien sûre à bord de votre yacht, capitaine Henry ?

Henry Esmond, baissant la voix, reprit avec émotion, mais en parlant cette fois en anglais à sa fiancée, comme pour donner plus d’intimité à leur entretien :