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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/254

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— C’est dans un voyage à deux qu’il ferait bon de s’en aller comme ces pèlerins d’Auray à travers toute cette Bretagne, qui a plus d’un lien de parenté avec notre pays. Nous y viendrons, chère Julia, si vous le souhaitez…

— Mais, Henry, répliqua miss Julia en souriant, ne m’avez-vous pas dit la même chose en Auvergne ? en Touraine ? et même ailleurs ? Notre premier voyage à deux durerait bien longtemps… trop longtemps… ne craignez-vous pas ?

— Cela fût-il vrai, il ne durerait jamais autant que mon inaltérable amitié pour vous, Julia.

Jean comprit qu’il était de trop… puisqu’on parlait anglais ; et il s’en alla lutiner Barbillon, qui n’était pas encore bien persuadé que Paris ne se fût jamais appelé Lucrèce.

Des paroles de Henry Esmond il résultait que miss Kate tenait un livre de bord. Mais ce que ne savaient ni Julia ni son fiancé, c’est que ce livre-journal élait destiné au jeune baron du Vergier, son sauveur au Sancy — après Jean.

Or voici ce qu’écrivait la jeune Anglaise en ne se faisant pas faute de puiser dans plusieurs gros volumes de sa bibliothèque de voyage, qu’elle traduisait librement :

— Je puis, sans quitter le yacht, parler de la vieille Armorique, puisqu’en langue celtique ce nom signifie « Pays de la mer ». Baies et criques nombreuses dans ses rivages ; la mer bretonne entame violemment les côtes. À l’heure où les grèves se découvrent, abandonnées par l’eau, des roches noirâtres surgissent, alignées sur des veines de granit plus résistant à l’attaque des flots. On dit que les habitants de la Bretagne ont conservé plus d’originalité qu’aucune population de la France…  »

Laissons miss Kate à la rédaction de son journal : aussi bien pourra-t-il nous être de quelque secours. Elle aura à faire sa description du Mor-Bihan ou Petite mer qui pénètre profondément dans les terres. Pour nous, qui suivons le petit Parisien dans son voyage, nous nous bornerons à faire remarquer que les îles dont est parsemée cette baie, les unes habitées, les autres stériles et désertes, s’agrandissent par des « béhins, » bancs de vase noirâtre qui, avec le temps, arrivent à souder plusieurs îlots entre eux, ou sont rongées par les eaux vertes aux vagues blanchissantes qui les entourent.

Au fond de la baie, Vannes, bien que située sur un chenal pourvu à peine de quelques mètres d’eau à marée haute, à quelque importance comme ville de commerce maritime.