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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/256

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

des plus beaux du littoral français. Derrière les îlots de Bréhat se dissimulaitl’anse de Paimpol.

Le Richard Wallace y entra assez avant dans la journée, après une navigation qui ne laissa pas de fatiguer les dames. Quant à Jean, préoccupé de plus en plus de l’objet de son voyage à mesure qu’il approchait du but, il ne sentait rien, ni fatigue, ni agrément ; il ne voyait plus rien. Silencieux, il demeurait dans l’attente de ce qui était pour lui un grand événement. Il s’inquiétait surtout du plus ou moins de possibilité de rencontrer le sergent Reculot au Havre même, ou d’avoir à le chercher sur tout le littoral normand fréquenté par l’ex-franc-tireur : des difficultés de détail qu’il n’avait pas aperçues tout d’abord surgissaient soudain à sa pensée pour l’inquiéter et détruire jusqu’au plaisir que pouvait lui causer les prévenances dont il était l’objet à bord du yacht de la part de chacun.

Lorsque le yacht se remit en marche le lendemain, laissant en arrière les baies de Saint-Brieuc et de Saint-Malo, et prenant sa route au milieu des îles anglo-normandes de la Manche — Jersey à droite, Guernesey et Aurigny à gauche — cet éloignement du littoral laissa Jean à ses préoccupations.

Enfin les côtes de France apparurent de nouveau ; le yacht se rapprochait du Cotentin.

Les falaises, les dunes et les rochers alternaient en formant de petits promontoires séparés par de vastes grèves. Le Richard Wallace doubla le cap de la Hague, et deux heures après il se trouvait devant le port de Cherbourg, qui est au fond d’une rentrée assez prononcée du littoral, défendue par une digue gigantesque s’étendant entre l’île Pelée et la pointe de Querqueville. Le yacht se mit à l’abri de la jetée.

Le baronnet offrit alors à sa femme et à ses filles de les conduire en ville, au spectacle ; mais miss Julia et miss Kate remercièrent leur père de cette attention ; il leur en coûtait de faire toilette. À dire vrai, sans éprouver jusqu’à du malaise, elles commençaient à être engourdies un peu par ce voyage de mer. Sir William prit alors d’autres dispositions. Comme lady Tavistock semblait fort priser le divertissement offert, il fut décidé que son fils l’accompagnerait — avec le petit Parisien, qui devenait vraiment si sérieux à mesure qu’on approchait du Havre qu’un peu de distraction lui devenait nécessaire.

Quand le youyou conduit par le pilote et Mahurec se fut éloigné du bord, sir William alla se coucher : ses filles et Henry Esmond rentrèrent au salon commun.