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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/26

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

creux, les premières maisons du village et le fameux pont, situé à cent mètres de la station.

Le moment était solennel.

On fit une halte d’un quart d’heure, pour reprendre haleine et arrêter les dernières dispositions… Comme il fallait faire large besogne et peu de bruit, il fut décidé qu’on attaquerait le poste à l’arme blanche, qu’on l’enlèverait à la baïonnette.

Tout à coup, la lune cachée jusque-là toute la nuit par les nuages, se démasqua brusquement : c’était presque une hostilité, — comme le froid, la neige partout, en cette année maudite ! — sa lueur éclaira les groupes en train de se former. Cette intrusion allait tout compromettre… Les francs-tireurs n’eurent que le temps de se rejeter dans l’ombre du chemin creux qu’ils venaient de quitter ; mais les factionnaires du pont, très visibles, n’avaient-ils pas aperçu sur la hauteur ces ombres suspectes ? n’allaient-ils pas donner l’alarme ? faire retentir leur wehr heraus ! Minute anxieuse… Rien ; ils n’étaient point trahis. La lune se voila. Par précaution les hommes cachèrent le canon de leur fusil sous leur capote…

Plusieurs habitants de Fontenoy mis au fait de ce qui se tramait, avaient promis leur concours et se tenaient en communication avec le commandant du camp de la Vacheresse. L’un d’eux se glissa jusqu’au chemin creux et annonça qu’une forte patrouille de soixante hommes environ venait de quitter le village un moment auparavant. C’était là un renseignement favorable. Cette patrouille qui s’éloignait abandonnait la place aux francs-tireurs.

Restait à distribuer les rôles de chacun dans le drame lugubre qui se préparait. Voici ce qui fut arrêté : Une partie de la troupe prêterait main-forte aux mineurs chargés de faire sauter le pont et observerait les environs. Une autre partie surprendrait le poste de la station et noierait dans le sang toute résistance. Deux bouillants capitaines, hommes d’une trempe à toute épreuve, et dont nous pourrions donner les noms, se chargèrent de cette dernière tâche avec quarante francs-tireurs, — les plus solides. Le reste de la troupe se prépara à cerner le village pour empêcher de s’échapper les soldats de la landwehr logés chez les habitants.

Il n’y avait plus une minute à perdre. Les deux capitaines coururent droit au poste de la station. Il était occupé par cinquante hommes du 17e régiment de la landwehr. On sut plus tard que c’étaient des gens de Dusseldorf.

Cette poignée de francs-tireurs si résolus était guidée par un Gascon, ancien