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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/264

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Miss Kate, fort poliment, s’inclina d’un air d’aquiescement, et reprit sa lecture :

« Après Brest, se déploient sur le littoral les charmantes plages du Conquet, aimées des baigneurs, et ses prairies où paissent des chevaux de noble race…

» Peu après, le large musoir de Léon se continue par un grand nombre d’îles et d’écueils, que termine à l’ouest l’île d’Ouessant.

» Cette île est entourée presque en entier d’une falaise de roches inabordables. Ses écueils se dessinent en grisailles obscures, battues par de hautes gerbes d’écume blanche. Elle forme un plateau ondulé, couvert de cultures, mais sans un arbre, sans un buisson, qui descend en pente douce vers un petit port de pêche ouvert du côté de la haute mer.

» Les eaux d’Ouessant sont réputées dangereuses. Les marins redoutent les détroits de Fromveur, de la Helle, du Four… Les courants qui se heurtent avec des remous, les écueils, les roches sous-marines, les orages et les brouillards, les brusques sautes de vent, tout concourt à faire de ces parages une des régions les plus périlleuses de l’Océan. Nul marin n’y a doublé les caps « sans peur ou sans malheur ». — Qui voit Groix, voit sa joie, dit un proverbe maritime ; mais un autre proverbe moins rassurant, dit : Qui voit Ouessant, voit son sang !

» En suivant la côte, on monte au nord-estjusqu’à l’estuaire de Saint-Pol de Léon. C’est une ville déchue, mais encore fort intéressante. Sur la falaise, les silhouettes de ses trois vieux clochers semblent plantées comme en un pays désert ; l’un d’eux, « le clocher à jour » des chansons bretonnes, domine les autres ; c’est le magnifique clocher de l’église de Notre-Dame de Creizker, chef-d’œuvre de grâce et de légèreté, classé parmi les monuments historiques. Le littoral, protégé contre l’envahissement des dunes, est l’un des plus fertiles de la Bretagne : le laurier-thym y croît en pleine terre comme en Provence. Le port de la contrée, le petit havre de Roscoff, est devenu célèbre par son énorme figuier, appuyé sur plusieurs troncs et qui forme à lui tout seul un petit bosquet.

» L’estuaire de Saint-Pol de Léon est séparé de celui de Morlaix par des îles, des écueils, des bancs de galets.

» Morlaix est situé au bord d’une rivière où pénètre le flot de la marée. Des navires d’un fort tonnage viennent mouiller jusque devant les magasins et les fabriques établies le long de ses quais. Un étonnant ouvrage d’art est la plus grande curiosité de cette ville ; c’est le viaduc du chemin de fer, har-