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XXIV

À la pointe de Barfleur

À travers la pluie et l’écume des lames emportées par le vent, apparaissait par moments aux yeux des voyageurs du Richard Wallace la pointe de Barfleur et, plus distinctement, son phare.

Parfois le vent soufflait en foudre, comme disent les marins, déchirant les nuages noirs et arrêtant pour une minute ou deux la violence de ce grain venu du Nord ; alors on pouvait voir la mer, hachée par le vent, briser sur les roches de la côte des vagues énormes.

Le vent soufflait de l’arrière et la mer venait du travers, ce qui occasionnait un très fort roulis ; et le yacht fatiguait beaucoup par la succession rapide des coups de tangage. La pluie tombait à torrents, poussée comme une grêle, douloureuse au visage…

Réfugiées au centre du léger navire, sous le panache de fumée que tordait la tempête, lady Tavistock et ses deux filles, pâles, nerveuses, se tenaient avec peine debout. Le baronnet, son fils et Jean secondaientà la manœuvre le petit équipage.

Qui faisait le moins bonne contenance, c’était le couple anglais au service de la famille du baronnet. La femme surtout, mistress Nancy Chillip, toute en larmes, cheveux dénoués, courait d’un bout à l’autre du navire, autant du moins que le lui permettait la force du vent, criant dans sa langue qu’elle ne voulait pas aller plus loin, et qu’elle « donnait» ses huit jours à milady.

— Qu’est-ce donc ? que dit-elle ? demanda le pilote.

— Elle ne veut pas aller plus loin, répondit le fils du baronnet.