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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/284

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

l’itinéraire suivant : Paris, pour la foire au pain d’épice ; Caen, le Mans, Nogent-le-Rotrou, Évreux, le 10 août ; Elbœuf, le 1er septembre, — la fête dure trois ou quatre dimanches ; — enfin le Havre.

La loge où le Lorrain Jacob Risler faisait valoir son talent « d’amateur » en relevant le gant jeté par le fameux Marseille junior, et la loge où la petite Emmeline dansait sur la corde en courte jupe rose, avaient brûlé Elbeuf, et se trouvaient au Havre un peu avant le rendez-vous général.

Qui était cette fillette ? C’est ce que le petit Parisien se demandait depuis bien des jours.

Jean était devenu l’habitué de l’Illustre théâtre des Fantaisies dramatiques. Il assistait à la représentation de jour et il assistait encore à la représentation du soir. Il savait par cœur les divers boniments de la parade ; au besoin, il eût pu secourir en qualité de souffleur les pitres avinés, dont la langue s’épaississait et le cerveau se frappait sous les fumées du vin. Il connaissait tous les exercices de la troupe ; il avait même un soupçon de ceux que l’on préparait pour la grande foire de la Saint-Michel ; car il ne résistait pas à la tentation de soulever de temps en temps un coin de toile de la loge et d’y appliquer un œil indiscret, — au risque de recevoir un coup de matraque sur la tête.

Du premier jour, il avait appris ce doux et joli nom d’Emmeline ; et maintenant la petite danseuse aurait bien voulu connaître le nom de ce garçon désœuvré qui passait ses journées autour des baraques de toile, au lieu d’aller à l’école ou à l’atelier.

Le soir lorsque dans la nappe de lumière projetée par la guirlande de gaz enflammé qui courait sur le devant de la loge, la gentille Emmeline apercevait Jean, elle lui faisait un petit salut de la tête et de la main. Un salut ? Non, elle inclinait plusieurs fois la tête familièrement, avec un sourire, ou secouait la main d’une façon amicale. Et quand la petite, croisant ses jambes, se soutenait d’un pied, l’autre appuyé sur les planches par la pointe de son brodequin gris à la semelle blanchie à la craie, il ne lui était pas indifférent de savoir que parmi tous ces visages épanouis, échelonnés par rang de taille qui composaient la foule, — bouches béantes, yeux démesurément ouverts, — elle comptait un admirateur véritable de son talent : ce petit le lui avait dit un soir en passant devant elle :

— C’est pour vous que je viens, mademoiselle Emmeline.

Et ce soir-là, elle avait réussi à danser mieux que d’ordinaire.

Une autre fois, c’est elle qui avait adressé la parole au jeune garçon, —