Aller au contenu

Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

à M. Jacob, et lui rapporter moi-même sa montre : on entre trop facilement dans votre auberge !

— À commencer par toi, tout le premier, mon jeune coq, riposta maître Paincuit, qui rendit la montre sans se faire prier davantage. Ne va pas, au moins, grossir les choses à M. Jacob… puisque cet Allemand est son ami… Ça s’arrangera.

— Pas pour moi, lui cria Jean en dégringolant au plus vite l’escalier.

Mais l’hôtelier, s’il entendit, ne pouvait comprendre.

D’un bond, Jean traversa le Cours et entra dans la gare du chemin de fer.

— Il vient de partir un train ? demanda-t-il au premier facteur qu’il rencontra.

— Où vas-tu ?

— Je ne vais nulle part… je vais partout. Ce train qui est parti tantôt, pour où ?

Le facteur sourit. Jean se démenait comme un diable dans un bénitier.

— Le train omnibus de 2 heures 33 ? Il s’arrête à Harfleur, à Beuzeville, à Bolbec, à Yvetot, à Motteville, à Barentin, à Malaunay, à Rouen…

— À Rouen ?

— Oui, à Rouen ; es-tu renseigné suffisamment ?

— Non, dites encore.

— Oisel, Pont-de-l’Arche, Saint Pierre-du-Vouvray, Vernon…

— Pour aboutir où ? demanda Jean impatienté.

— Mais à Paris ! dit le facteur, non sans quelque solennité.

— Je m’en doutais ! s’écria le jeune garçon. Je suis perdu !

— Perdu ?

— Oui perdu… parce que je suis volé ! Avez-vous pas vu une espèce d’Allemand, grand et sec ?…

— Je l’ai vu tantôt… Maintenant, attrape à courir ! dit le facteur sur qui déteignait le langage goudronné des marins du Havre. Et puis il y a bien d’autres petites gares que je n’ai pas nommées ! Il y a aussi des embranchements, ajouta-t-il ; c’est à n’en plus finir. On va à Fécamp, on va à Saint-Valéry-en Caux, on va à Dieppe, on va à Amiens…

— Assez ! assez ! cria Jean à qui cette énumération créait un véritable supplice.

— Il est considérable le vol ? demanda le facteur.

— Un carnet de deux sous… Vous me regardez tout surpris ? Eh bien ! pour