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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/299

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

rentrer en possession de ce carnet, je donnerais la montre d’or que voilà !

Jean s’en revint bien tristement à la maison de Reculot. Il raconta à la vieille Normande sa tentative et son échec imprévu. Le pauvre petit parlait avec des larmes dans la voix :

— Ah ! mère Didi, mère Didi, ça a raté !

— Que vas-tu faire mon fisset ? lui répétait la paysanne, cherchant sincèrement à venir en aide au jeune garçon. Que vas-tu faire ? Vas-tu courir après ce brigand ? Faudrait au moins savoir par où il est passé !

— Oh ! il n’y a rien à faire ! répondit le petit Parisien ; il n’y a rien à faire ! mon dernier espoir s’en va à vau-l’eau.

— Et l’autre ?… l’autre homme, celui dont l’Allemand a pris les malles ?… Qu’est-ce qu’il va dire de ça, lui ?

— Au fait, il faut que j’aille voir !… s’écria Jean.

— Et la soupe qui est cuite ?

— Au retour.

Jean s’échappa et courut au Champ de foire. Autour de la baraque de Marseille junior la foule se pressait, comme d’habitude, et au premier rang, Jacob Risler. Mais Jean devina à son air préoccupé que son parent était renseigné sur la fugue de l’Allemand. Maître Paincuit avait dû aussi lui parler de cette montre en or qu’on était venu apporter pour lui, en réclamant une montre en argent : toutes choses faites pour dérouter et intriguer vivement le compère de Hans Meister et lui donner de la tablature.

La scène du gant publiquement relevé fut jouée de la part de Jacob Risler d’une façon assez maussade. Jean demeura fermement convaincu que son parent n’aurait jamais montré autant de mauvaise humeur si l’Allemand ne lui eût enlevé que des hardes de minime valeur. Il n’en fallait plus douter : le hardi compère s’était emparé du carnet de Louis, et cela seul pouvait rendre ainsi Jacob Risler soucieux.

Jacob monta dans la loge de Marseille ; les luttes allaient commencer ; Jean aperçut alors sur le devant de la baraque voisine la jeune Emmeline, un peu délaissée par lui. Il alla vers la petite fille.

Celle-ci venait de le découvrir et lui faisait signe d’approcher.

— Pourquoi viens-tu si tard ? Hier tu n’es pas venu du tout ; je croyais que tu étais malade ou parti.

— Non, j’étais occupé…

— Et chagrin ? ça se voit…