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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/308

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

pas la mère de la jolie petite danseuse : toutefois il avait passé outre fort aisément, grâce à des traditions de métier un peu oubliées aujourd’hui mais non tout à fait abandonnées.

— Permettez-moi, madame, de vous demander si vous êtes de cette ville ? dit enfin le directeur de l’Illustre théâtre.

La baronne répondit qu’elle arrivait de Caen… où elle habitait…

— Eh bien ! je puis vous certifier que la petite danseuse nous est venue d’Auvergne, sa mère ou prétendue mère, également. Voilà qui est sûr et certain !

— D’Auvergne ? s’écria madame du Vergier. Eh bien, voyez : c’est en Auvergne qu’on m’a enlevé mon enfant !

— Comme cela se trouve ! s’écria Jean à son tour.

Le vieux funambule demeurait bouche close ; il se rendait à tant d’évidence. Après une minute de silence il reprit :

— Ce n’est pas moi, madame, qui ai fait son éducation artistique. La petite a été dressée dans la troupe des frères Picard, qui ne fréquente guère que les villes du Midi. La mère, — je dis la mère par habitude, — madame Emmeline, enfin, me l’a amenée l’an dernier à la foire de la barrière du Trône.

Madame du Vergier demanda que ces indications lui fussent précisées, et elle prit des notes sur son carnet.

— Et maintenant, monsieur, dit-elle d’un accent où passait toute son âme, me direz-vous de quel côté je puis diriger mes recherches ?

— Puisqu’il faut vous l’avouer, madame, je ne le sais vraiment pas. Il est sûr et certain que madame Emmeline nous a tous trompés sur le chemin qu’elle prenait… J’ai appris la chose peu après son départ.

— Une preuve de plus ! dit la baronne ; elle craignait d’être suivie et rattrapée. Oh ! l’indigne femme ! Mais je mettrai toutes les brigades de gendarmerie à ses trousses. Jean, mon ami, cette petite Emmeline, c’est ma Sylvia… C’est toi qui l’a trouvée…

— Que n’ai-je eu le bonheur de vous la rendre, madame ! dit Jean.

Toute l’énergie de madame du Vergier venait de s’éteindre subitement. Incapable d’ajouter un mot, elle se mit à verser d’abondantes larmes. Maurice et Jean la ramenèrent à l’hôtel où elle était descendue. Au moment où Jean allait prendre congé d’elle, la baronne lui dit :

— Jean, nous la retrouverons, et cela grâce à vous, mon enfant.

— Ce sera la dernière satisfaction que j’aurai en ce monde, répondit le petit Parisien.