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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/326

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Que je ne trouve pas… ce que je cherche.

— Un Allemand ?

— Qui m’a volé. Je sais qu’il est venu quêter des secours à Louviers.

— Gare ! fit l’ouvrier. Et il commanda une manœuvre à ses camarades, relative aux pièces de fer que l’on chargeait.

Jean et Barbillon s’en allèrent. En face, s’ouvrait largement la porte d’une grande teinturerie. Un vieux homme vêtu de droguet, chaussé de sabots, fumait sa pipe sur le seuil qu’il gardait, à côté d’un ruisseau jaune de chrome — qui fumait aussi.

— Pardon, monsieur, lui dit Jean, de ce ton poli à lui familier, des Allemands travaillent-ils dans votre usine ?

— Des Allemands ? En vérité de Dieu, c’est un brin drôle tout de même ! murmura le bonhomme en faisant passer sa pipe de droite à gauche.

— Pourquoi est-ce drôle ?

— Parce que hier sur la même heure, à cette place étou… on m’a fait même demande, mon fisset.

— Veine ! s’écria Jean. Voilà du nouveau ! dit-il à Barbillon.

Le petit mousse ne saisissait pas avec la vivacité de Jean toute l’importance de la réponse faite à son ami.

— Ne comprends-tu pas ? reprit Jean. Si quelqu’un est venu hier, ici, en quête d’Allemands, ce ne peut être que Hans Meister. Voilà la piste trouvée ! Et se tournant vers le portier : — C’est un grand, qui était à la recherche de ces Allemands ?

— Da ! oui, fit l’autre. Queuque chose quasiment comme un pétra[1], et un calleux[2].

— Bien maigre, bien laid ?

— Oh ! que ben oui ! et avec un air assatti[3].

— Un affreux louchon ?

— Allez ! marchez ! c’est son image toute récopie.

— Et pourriez-vous me dire, le chemin qu’il a pris ? s’écria Jean avec véhémence.

— Eh ! da ! je n’ai point la berlue dans l’oreille pour que vous brayiez si fort ? Il est repassé une heure après avec un air rechigné ; il n’avait pas trouvé

  1. Homme grossier.
  2. Fainéant.
  3. Égaré.