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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Dans une visite à l’oncle Blaisot faite à la prière du petit Parisien, Modeste Vidal apprit que la petite sœur de Jean se trouvait dans un état désespéré. L’ébéniste venait d’en être informé par une lettre venue du Niderhoff, écrite par un habitant du village, et qui avait le caractère d’une véritable dénonciation. Mal adressée, elle avait couru dans tout le faubourg Saint-Antoine avant de trouver l’ébéniste.

Lorsque le musicien en put prendre connaissance, elle était vieille de plusieurs jours.

Le mystérieux de l’information, la nécessité peut-être de voler au secours de la petite Pauline, inspirèrent à Vidal la bonne pensée d’offrir à l’oncle Blaisot d’aller au Niderhoff pour tirer les choses au clair, et aviser.

Il partit. C’est en Alsace-Lorraine qu’il se rendait, c’est-à-dire en Allemagne sans sortir de France. Le cœur troublé depuis le moment où il avait passé la nouvelle frontière, il arrive au Niderhoff, et apprend du même coup la mort de la sœur de Jean et l’arrestation de la femme de Jacob Risler.

Cette mégère, accusée par la rumeur publique d’avoir martyrisé la fillette par un atroce système de persécutions, avait été conduite à la prison de Sarrebourg.

Modeste Vidal apprit comment l’Allemande, à peu près délaissée par son mari, avait tourné sa colère contre l’enfant qui lui était confiée. Elle frappait Pauline, elle la privait de nourriture, et lui imposait des tâches au-dessus de ses forces ; elle la séquestrait, enfin, pour que la fillette ne pût se plaindre aux gens du dehors : mais on savait au Niderhoff ce qui se passait d’odieux dans la maison de Jacob Risler. Les cris de Pauline maintes fois entendus, l’embarras des réponses de Grédel quand on lui demandait des nouvelles de la petite, son affectation à rappeler les prétendus crimes du père afin de détourner de la pauvrette toute sympathie, tout cela dénonçait la méchanceté de l’Allemande. On ne la croyait point lorsqu’elle déclarait avoir affaire à une créature incorrigible qu’il faudrait briser.

Et pourtant elle l’avait brisée en effet… La misérable comptait bien qu’en Alsace-Lorraine la justice avait deux poids et deux mesures, et qu’une Allemande de Mayence n’était pas pour être traitée comme une simple paysanne du Niderhoff.

Mais la femme du Risler que l’on connaît, semblait avoir fait un faux calcul ; on la gardait en prison et, contre toute attente, elle ne s’en tirerait pas aisément. Sa qualité d’Allemande ne pouvait la désigner à l’indulgence des nouveaux magistrats ; car il s’agissait d’un crime puni dans tous les pays.