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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/363

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Voilà les choses que Modeste Vidal apprit au Niderhoff. Il les fit connaître à Jean lorsque le pauvre garçon, tout en pleurs, accourut chez lui en quittant son oncle.

Grédel en prison, Jacob absent, et l’on ne savait où, la petite Pauline morte, la maison du Niderhoff vide enfin de tous ses hôtes, il parut à l’artiste que le moment était venu de faire valoir les droits de Jean Risler à l’héritage de son père. Il en avait parlé dès son retour à l’oncle Blaisot, et l’ébéniste, secouant un moment sa torpeur et son indifférence, s’était déclaré prêt à faire le nécessaire ; Vidal en parla aussi à Jean ; mais il rencontra cette fois une résistance inattendue. Vendre la maison du Niderhoff ! la vendre à un Allemand, sans doute ? car il n’y avait plus qu’eux pour acquérir en Lorraine, depuis l’éclaircissement de la population française : jamais ! Ce serait pour lui, céder la place à l’étranger, approuver l’annexion ; ce serait faire croire qu’il désespérait de l’avenir… C’est pour le coup que cette maison serait la maison des « traîtres !…  » Jean, avec une fermeté bien rare et bien louable chez un garçon de son âge, pria Modeste Vidal de ne point revenir sur ce sujet.

— Mais tu n’as pas le sou vaillant ! objecta le musicien.

— Je ferai comme les autres… je travaillerai. D’ailleurs, le prix de vente de la maison de mon père ne me permettrait guère, je pense, de vivre en grand seigneur. Un peu plus, un peu moins, qu’importe ! En agissant ainsi, je crois bien faire.

— Et tu fais bien, en effet, ne put s’empêcher de dire l’artiste, vaincu par cette généreuse opiniâtreté.

Jean se remit en rapport avec Bordelais la Rose. L’ex-zouave, rentré a Mérignac, y attendait dans une vive impatience doublée d’un rhumatisme, le résultat de la tentative de son protégé. Ce fut pour lui une pénible déception d’apprendre l’insuccès final. Son ennui s’augmentait de toute l’irritation que lui causait la dernière manifestation de Hans Meister.

— Si jamais il me tombe sous la main, écrivait-il à Jean, sac et giberne ! tu n’as rien à craindre pour le verre de ta montre : je choisirai une autre place… sauf à l’étrangler ensuite.

Le petit Parisien avait écrit aussi à sir William Tavistock et à miss Kate. Le baronnet habitait Londres avec sa famille. Jean s’était bien gardé de raconter le vol dont il avait été victime dans le bois de Mont-Mal ; il aurait craint de solliciter de la jeune Anglaise et de son père le renouvellement de leur acte de générosité…