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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/364

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Enfin, une correspondance suivie s’échangeait entre Paris et Caen. La baronne du Vergier ne marchandait à Jean ni ses bons conseils, ni ses offres de service. Par Maurice, le petit Parisien connaissait les dispositions favorables de miss Kate : la jeune fille travaillait à vaincre l’obstination, ou plutôt le préjugé de son père.

L’hiver arriva. Jean pour ne pas demeurer oisif faisait des copies pour M. Pascalet — que Modeste Vidal avait décidément abandonné pour reprendre ses tournées artistiques. L’oncle Blaisot aurait voulu que Jean l’aidât dans sa profession, devînt son apprenti ; mais l’ébénisterie ne semblait nullement du goût de Jean.

Avec son imagination mise en éveil par ce premier voyage en zigzag à travers la France, il pensait s’accommoder mal du travail de l’atelier.

Pour le remercier de ses services, M. Pascalet lui donnait des leçons, et de temps en temps le gratifiait d’une petite somme. Jean la rapportait joyeusement à son oncle pour lui bien prouver qu’il ne vivait pas en paresseux.

Ces jours-là, l’oncle Blaisot très content d’un tel neveu, allait faire son éloge dans trois ou quatre cabarets du voisinage, et ne rentrait au logis qu’après avoir triomphé de tous les doutes, — le verre en main.

Au printemps, Paris, soudainement, prit un air de fête qu’il ne connaissait plus quand venait la saison du renouveau ; c’est qu’on n’était pas encore bien loin de l’année terrible ! La France avait été atteinte au cœur, et Paris est le cœur de la France. Mais il fallait oublier, il fallait faire accueil aux nations, l’Exposition universelle allait s’ouvrir, Paris n’appartenait plus seulement à la France ; il devenait sans conteste, du moins pour un temps, la capitale du monde civilisé, — et même du monde barbare.

M. Pascalet ayant obtenu la permission de visiter les travaux d’installation du palais de l’Exposition et de ses annexes, s’y faisait conduire tous les jours par le petit Parisien, ravi d’être l’objet du choix du vieux savant.

C’est ainsi que Jean vit avant beaucoup d’autres, les curiosités « invisibles » : les difficultés vaincues pour la prise de possession du Champ-de-Mars, redevenu depuis la précédente Exposition une arène bouleversée, qu’il fallut excaver, canaliser de nouveau, couvrir de terre végétale et de gravier, d’arbustes et d’édifices.

Cela ne suffisait pas. De l’autre côté de la Seine, il fallait conquérir le Trocadéro, régulariser ce monticule inégal, consolider le sous-sol évidé par des carrières, y faire monter l’eau à profusion, y élever un palais au milieu de jardins superbes.