Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

dans quelle situation respective vivaient les deux personnes en question et l’enfant ; d’où ils venaient, et surtout où ils comptaient aller en quittant Lille… Mais il craignait de se montrer.

— Eh bien ! dit l’obligeant Flamand je m’informerai… Mais savez-vous ce que je pense ? c’est que vous êtes en train de vous brasser à vous-même de la bière amère…

— C’est fort possible, murmura Jean. Et il rougit de se sentir si bien deviné. Que voulez-vous, dit-il, je sens que mon existence tout entière est attachée à la vie de cette enfant.

— Ce Risler dont vous me parlez et cette sylphide de cent kilos, ils me semblent les mauvais génies de cette petite, vilaines gens et complices sans doute : Deux sacs mouillés ne se sèchent pas l’un l’autre.

Jen soupira.

— Je vous recommande, dit-il, d’être prudent avec Jacob. C’est un homme dangereux.

— Laissez-moi faire. Je comprends que ce n’est pas un chat à empoigner sans gant. Il y a des petits chiens qui savent bien s’y prendre pour manger dans le même plat que les grands sans se faire mordre ! Je tâcherai de tirer mon os du jeu.

Quentin fit ce qu’il avait promis. Il attira dans la brasserie paternelle un géant tyrolien, qui faisait partie de la troupe où Risler remplissait l’emploi de régisseur et de caissier ; et il sut par le géant, apanagé d’une langue proportionnée à sa longue personne, que la petite Cydalise venait de passer près de trois ans en Belgique et en Hollande. C’est à Bruxelles que sa mère l’avait fait admettre, ainsi qu’elle-même au nombre des artistes de la troupe où on les voyait. Risler faisait déjà partie de cette troupe depuis… depuis dix-huit ou vingt mois : au fait, c’est lui qui avait forcé le géant à abandonner sa figure et son costume de géant patagon pour ceux de géant tyrolien, rôle évidemment plus gai, orné de la-laitou et de ma-la-la-ga-outou multipliés autant que variés. Et puis le chapeau tromblon grandissait l’homme et l’avantageait. Selon lui, Jacob Risler n’était pas un malhabile régisseur. Il se proposait de conduire la troupe Sartorius à Valenciennes, où la foire durait trois dimanches ; de là on irait à Dunkerque pour la fête qui ouvre le 1er janvier ; on visiterait Calais et on se trouverait à Saint-Omer pour la mi-carême.

— Est-ce bien tout ce que vous vouliez savoir ? demanda Quentin Werchave en rapportant minutieusement toutes ces choses à son petit ami le libraire, à son « p’tit pouchin ».