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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/389

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

l’ancien hôtel de ville, aujourd’hui prétoire du juge de paix, dépôt d’archives. C’est un édifice de la Renaissance, percé au rez-de-chausséede longues baies en ogive et au premier étage de croisées plus petites. Il est classé parmi les monuments historiques. Au-dessus de la porte, Quentin montra à Jean une sorte de tribune armoriée, et le petit balcon d’où les arrêts se lisaient aux bourgeois de la bonne ville. Plus loin, la mairie actuelle est installée dans l’hôtel de la Noble Cour, jadis siège de la cour féodale de Cassel, du magistrat de la châtellenie et des États de la Flandre maritime. Ces édifices et encore quelques vieilles maisons, vestiges de l’occupation espagnole, portant la marque de l’architecture des conquérants, — des pignons historiés et de larges fenêtres aux balcons saillants, — ont assurément beaucoup de caractère.

Le jeune Martial Sockeel se montra sur le seuil de l’habitation paternelle, et fit un geste calme, mais très amical, en apercevant Quentin et l’ami annoncé par lettre. Martial était un grand et gros garçon approchant de la vingtième année.

— Tu sais ? Je vous préviens, dit Quentin à Jean tandis que Martial s’avançait vers eux, les mains ouvertes, je vous préviens qu’il est un peu sauvage. Ils sont tous comme ça à Cassel, et casaniers, attachés à leur sol, à leur ville. Des montagnards, quoi ! Mais le régiment le dégourdira… Et en attendant, la ducasse de Bambecque va le réveiller d’une année de sommeil.

Il y eut des poignées de main échangées, et Jean se trouva introduit auprès de l’oncle Sockeel, grand aussi, et gros, et pesant même, indolent peut-être, et auprès de « ma tante », qui avait dû être belle et blanche.

L’accueil fut cordial. Jean, à la suite de ses tournées en France, commençait à pouvoir établir des comparaisons ; il opposa cette famille à celle de ces Auvergnats dont il avait fait la connaissance à Aurillac, et il lui parut que les Flamands sont lents, peu communicatifs, mais simples, bons, de mœurs douces ; qu’ils se piquent aisément, mais oublient aussitôt le sujet de contrariété qu’on leur a donné ; cette lenteur dans leur démarche, dans leur langage, dans leurs mouvements était loin de lui déplaire ; elle s’alliait à un calme allant jusqu’à la sérénité ; elle ne les empêchait, certes, nullement d’être laborieux — comme on pouvait le voir rien qu’en traversant leur province. Grâce à de l’esprit naturel, et à un véritable bon sens les dispensant d’avoir l’imagination vive, ils semblaient prêts à se consoler de tout, peut-être parce qu’il pourrait leur arriver pis. Il sut bientôt à l’énoncé des qualités des dames de Cassel, fait avec complaisance par « tante » Sockeel que ces Fla-