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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/412

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

maître menuisier d’Anzin, un nommé Fontaine. Voici en quoi elle consiste : la benne, ou cage, n’avait pour point d’appui que le câble et le billot sur lequel le câble s’enroule. Il s’agissait de lui ménager un autre point d’appui en cas d’accident. Pour cela on a muni le puits de guides, c’est-à-dire d’un double chemin vertical, le long duquel glissent les cages dans lesquelles entrent les mineurs. Le câble se brise-t-il ? à l’instant un ressort placé au-dessus de la cage, et que la tension du câble comprimait se détend. Il commande une double griffe de l’acier le plus résistant, le mieux trempé ; cette griffe, sorte de grappin, entre instantanément dans le bois des guides avant même qu’un commencement de descente ait pu avoir lieu, et la cage reste suspendue avec sa charge : l’engin de sauvetage s’est si bien logé dans le bois, qu’on a tout le temps nécessaire pour dégager les travailleurs exposés. Il n’est pas d’exemple que ces parachutes aient manqué à ce qu’on attendait de leur emploi, et chaque jour on les perfectionne. On a obtenu ainsi un moyen de transport offrant une sécurité presque absolue. »

Dans un paysage assez triste, les chemins étaient tout noirs d’une houille broyée par les pieds de milliers de mineurs. Jean s’étonnait de voir tant d’ouvriers, — une fourmilière humaine en un endroit relativement désert un quart d’heure auparavant.

— La Compagnie en emploie plus de dix mille ! lui dit son ami Quentin. Il y a les ouvriers qui travaillent à la veine, ceux qui travaillent à l’abatage, et aux galeries, au rocher, au herchage ou transport, et bien d’autres.

— Combien peuvent-ils gagner ? demanda Martial.

— C’est suivant leurs forces et leur habileté ; ça varie entre 2 fr. 25 centimes par jour et 3 francs. Dans le nombre sont comprises quelques femmes et des jeunes filles ; mais celles-ci ne descendent pas dans les puits. Leur salaire varie entre 50 centimes par jour et 1 fr. 25.

— Que font-elles alors, si elles ne descendent pas ? demandèrent en même temps Jean et le cousin de Quentin.

— Elles sont employées soit à des triages, soit à des chargements ou déchargements de bateaux ; des jeunes garçons sont également occupés à des travaux de fond ou de jour à raison de 85 centimes, 1,25 et 1,50, suivant leur âge et leur force.

Quentin conduisit ses amis dans un cabaret ou une cantine, où les mineurs se pressaient, altérés et affamés, autour des tables. Ils étaient là le front moite, les joues et le menton noirs de poussière ; ça leur donnait un air de famille. Bientôt un bruit d’active mastication se fit entendre. Nos voya-