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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/418

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

D’après les indications fournies à Quentin Werchave par le géant tyrolien, Jean comptait que la troupe où Risler et madame Cydalise tenaient une si grande place avait dû aller passer à Valenciennes les trois semaines qu’y dure la fête. D’ordinaire après Valenciennes, les grandes troupes se divisent ; les unes passent en Belgique, les autres se donnent rendez-vous à Dunkerque pour le premier janvier. Risler et son patron, le bonhomme Sartorius, avaient opté d’avance pour cette ville. Jean se promit d’aller les y rejoindre. Pourquoi faire ? Il verrait…

Il se garda de parler de ses projets à M. Pascalet, qu’il allait voir quelquefois. Il n’en dit rien non plus à l’oncle Blaisot. Mais il fit des confidences à son ami Bordelais la Rose, toujours retenu à Mérignac. Dans ses lettres, il lui avoua que sachant maintenant où trouver Jacob Risler, il se sentait pris d’une grande envie de faire la paix avec son parent. Peut-être l’amènerait-il par la douceur à reconnaître que son père, injustement accusé, ne méritait nullement cette réprobation qui s’attachait à son souvenir dans le lieu où il avait vécu. Peut-être Jacob Risler, veuf d’une méchante femme, séparé du compère Hans qui avait exercé sur lui une si funeste influence, voyant son petit-cousin grandir, devenir un homme, se départirait-il enfin de son système de dénigrement. Il n’était pas jusqu’à ce ruban rouge, fort avantageux à exhiber lorsqu’il s’agissait de capter la confiance des commerçants du Cantal, qui ne devenait inutile au milieu d’un monde vivant un peu en marge de la société…

Bordelais encouragea assez cette manière de voir de son jeune ami. Certainement, selon lui, ce coquin d’Allemand n’oserait plus se montrer, pas plus que la Grédel ne reviendrait de l’autre monde. Sac et giberne ! il ne fallait peut-être pas regretter la disparition de ce voleur, pas trop payée par la perte d’une montre d’or et de quelques billets de banque. L’ex-zouave se déclara prêt à mettre à la disposition de Jean une centaine de francs et même davantage, si au prix d’une nouvelle tentative il devait réussir à ce qu’il avait tant à cœur : le bon renom de son père ! Jean accepta les subsides offerts, et après avoir pris congé de son patron, — très convenablement, — il se trouva le 31 décembre, vers le soir, dans les rues bruyantes et animées de Dunkerque, où le carnaval allait donner la main à la ducasse.

Du haut des airs, ô surprise ! descendait sur la ville un concert d’harmonie : le fameux carillon du vieux beffroi, par la sonnerie de ses cloches et de ses clochettes annonçait la fête. C’était un pot pourri de tous les airs à la mode, des chansons populaires, et des réminiscences d’opérettes, sur un ton