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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

ces articles. Une douzaine de cadenas leur revient à quatre-vingt-dix centimes et une douzaine de serrures, à trois francs. Le coffre de ces serrures est fait d’un seul morceau de tôle et d’un seul coup de balancier.

Modeste Vidal parla aussi à Jean du port de Saint-Valery-sur-Somme, où l’on construit des navires, et où l’on fabrique des câbles et des cordages. C’est de ce port, dit-il, que partirent nombre de vaisseaux armés par Guillaume pour la conquête de l’Angleterre, mais non pas toute la flotte, comme voudraient le faire croire les gens de l’endroit.

— Vous êtes dans le vrai, mon cher Modeste, répondit Jean ; c’est en Normandie, c’est dans le port de Dives, pas bien loin de Falaise et de Caen, où je suis allé, que Guillaume le Conquérant réunit ses navires et ses soldats.

— L’activité industrielle du département, observa l’artiste, ne détruit pas l’activité intellectuelle : Gresset est né à Amiens, je crois, ainsi que Voiture ; Millevoye à Abbeville. Ces noms-là ne te sont pas tout à fait étrangers ? Le général Foy, orateur autant qu’homme d’épée, était de Ham.

» Et maintenant parlons un peu de nous, ajouta Modeste Vidal, en trempant ses lèvres dans le verre de bière placé devant lui. Tu voulais aller à Saint-Quentin ?… Est-ce par curiosité ? Ce n’est pas une curiosité déplacée : la ville est la plus importante et la plus riche du département de l’Aisne, avec une population de 48,000 habitants qui tend à s’accroître d’une manière très sensible, grâce sans doute aux industries locales, la raffinerie, la fabrication des tulles, des gazes, des linon, toile et bazin. Est-tu satisfait par le peu que je t’en dis ?

— Je voulais voir l’endroit où l’on s’est battu en 1870, objecta Jean, mais sans trop de force.

— Tu es amateur de ces choses là ! ça te remue, ça t’émoustille.

— Je l’avoue : ça me fait vivre ; dans ces occasions-là, je pense à mon père avec orgueil, à ce brave soldat des anciennes armées, mort en faisant son devoir de soldat lorsque les vieilles troupes eurent été anéanties. Tout cela m’impressionne… mais sans me décourager ; au contraire !

— Tu es un brave garçon ; il y a longtemps que je le sais, dit l’artiste. Eh bien, sache donc, puisque je t’emmène avec moi à Laon, — et peut être plus loin, — que le département de l’Aisne fut un des premiers envahis par les Allemands. Soissons, qui est l’une de nos villes le plus fréquemment éprouvées par les malheurs de la guerre, ce qu’elle doit peut-être à sa position dans un vallon, fut bombardée et dut capituler aussitôt ; Laon surprise, fut oc-