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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/464

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Je vous trouvais un air… calé, une tournure d’aplomb que vous n’aviez pas autrefois…

— C’est que, vois-tu, mon petit, il n’y a rien de tel pour lester un homme comme le gousset garni — et pour contre-poids, bien entendu, une bonne conscience. Par suite donc de ces circonstances, me trouvant en état de te faire une gracieuseté, j’ai envie… Voyons, regrettes-tu encore quelque chose par ici ? La manufacture de glaces de Saint-Gobain ? le château de Coucy restauré ?

Je ne suis roy ni duc, prince ni comte aussi,
Je suis le sire de Coucy.

» Voyons, parle !

— Oh ! oui, j’aurais voulu voir, chemin faisant la manufacture…

— De Saint-Gobain ? Ce n’est pas si aisé que cela ! Il faut pour être admis à la visiter, de hautes recommandations. Qu’il te suffise de savoir qu’à sa fondation, elle n’avait pas le droit, cette manufacture si hardie actuellement, de faire des glaces de plus de soixante pouces de long sur quarante. Aujourd’hui elle coule plus de deux cent mille mètres carrés de glaces par an ; et quelles dimensions quand elle veut ! Quant au château de Couçy, nous n’en passerons pas loin ; nous le laisserons sur notre gauche, au sommet de sa colline escarpée, un peu après Laon. Il y a là assurément de magnifiques débris. Les gens experts estiment que c’est la plus belle construction militaire qui existe en Europe. La grosse tour a près de trois cents pieds de hauteur. C’est une merveille de solidité. Mazarin craignant d’y voir se réfugier les derniers Frondeurs, ordonna de la détruire. Mais la vaillante tour résista à toutes les explosions de mines ; elle resta debout avec une balafre qui la sillonne de haut en bas. Le château de Coucy appartient à l’État, qui y a fait exécuter sous la direction d’un très habile architecte, M. Viollet-le-Duc, de grands travaux de déblayement et de consolidation.

— Eh bien ! dit Jean, je me contenterai de ce que vous m’apprenez et je verrai le château de Coucy en imagination. Mais vous parliez tantôt de certaine gracieuseté. N’avez-vous pas changé d’idée ?

— Non, au contraire, mon cher Jean, je m’y accoutume. Ce projet me plaît de minute en minute davantage.

— Quel projet ?

— Mon projet… Seulement j’y mettrai une condition : tu laisseras ta balle…