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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/469

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Qui ça, cet « oum », Mazarin ?

— Oui,… Mathurin.

En voyant poindre ce quiproquo burlesque, Modeste Vidal se mit à rire à s’en tordre les côtes ; — c’est au point que Jean en fut pour tout de bon déridé. La bonne femme se croyant mystifiée détourna la tête et regarda les champs du côté opposé. C’est ainsi qu’on arriva à Amagne. Bientôt après, la voie s’engagea — tantôt dans des tranchées, tantôt sur des remblais — à travers une région appelée les Quatre-Vallées, renommée pour l’abondance et la qualité des fruits de ses vergers. Peu après, le train pénétra dans une profonde tranchée pour gagner la vallée de la Vence, où commencent les forêts de l’Ardenne.

Un quart d’heure plus tard se présentait sur la droite de la voie, dans une charmante situation au sommet d’une haute colline, le château de Saint-Marceau, datant du dix-septième siècle ; et un peu plus loin, l’importante poudrerie de Saint-Ponce. On approchait de la Meuse, et de Mézières et de Charleville.

Mézières est le chef-lieu des Ardennes. C’est une ville qui n’a cependant guère plus de six mille habitants. Bâtie sur le penchant d’une colline, la Meuse la traverse deux fois. Charleville touche à Mézières. C’est une jolie ville sur la rive gauche de la Meuse, — autrefois place forte — qui possède des communications faciles avec Paris par l’Aisne, l’Oise et la Seine.

Modeste Vidal disait à Jean combien est pittoresque la vallée de la Meuse dans la partie qui descend de Charleville à Givet (qui monte au nord, à la frontière). La voie ferrée longe la grande rivière entre des hauteurs couvertes de belles forêts, au milieu desquelles se dressent des rochers superbes. Sur ce tracé du chemin de fer, les ouvrages d’art abondent : des ponts sur la Meuse, des tunnels, des tranchées taillées dans le roc vif… et au bout du voyage, Givet avec sa citadelle juchée sur une colline rocailleuse, se dressant en pleins nuages, semblant défier l’assaut.

La parole de l’artiste était ardente, et faisait oublier la pluie froide qui commençait à fouetter les vitres du wagon, par une triste après-midi d’hiver ; tandis que des brouillards roulaient sur la Meuse, et noyaient les forêts épaisses jetées sur les collines…

Tout à coup, le train s’arrêta dans une gare.

— Sedan ! cria-t-on le long de la voie.

Jean sentit tout son sang affluer au cœur ; et il devint blanc comme un linge. Il comprenait quelle surprise Modeste Vidal lui avait réservée.