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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/470

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XVIII

Souvenirs d’un ambulancier

— Sedan !

Ce nom retentissait encore aux oreilles de Jean comme un glas funèbre, lorsqu’il sortit de la gare, en compagnie de Modeste Vidal. Ah ! c’était donc là cette surprise qu’il lui ménageait ! Il s’en effrayait presque. Le froid le secouait, et peut-être aussi une émotion involontaire.

La pluie continuait de tomber.

Ils suivirent une avenue. Laissant sur la rive gauche le faubourg de la plaine de Torcy, un pont les conduisit vers l’ancienne place forte, entrevue à travers les ondées, — avec ses glacis inutiles, ce qui reste de ses vieux remparts devenus une défense illusoire et décevante contre l’artillerie moderne ; avec son « château » couronnant une élévation au nord, citadelle impuissante. Tout autour, — à trois mille mètres, à cinq mille mètres — un double cercle de collines, le premier resserré sur Sedan, placé là comme au fond d’un entonnoir, le second cercle, formé d’une suite presque ininterrompue de bois, de hauteurs s’élevant par degrés, amphithéâtre immense aux étages superposés comme en un vaste cirque, dominant tout, le cours de la Meuse, la ville, le plateau de Sedan, fermant toutes les issues et tous les passages. Au delà, occupant tout le nord, la forêt des Ardennes, rideau tiré à la frontière entre la France et la Belgique.

Ils avaient sous les yeux le champ de bataille du 1er septembre 1870, borné au sud par Bazeilles, — à trois kilomètres — où la lutte s’était engagée la veille de ce mémorable jour.

Lorsqu’ils furent enfermés dans leur chambre d’hôtel, un peu séchés et