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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/504

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

trouverais… marié à Dunkerque ?… Tu m’as causé de bien grandes inquiétudes, tu peux t’en vanter !

Jacob Risler disait cette fois presque toute la vérité. Oh ! oui, il avait bien craint que son « neveu » ne trahît le secret de la naissance de la petite danseuse !

— Vous êtes donc remarié pour de bon, mon oncle ? lui dit Jean.

— Pour de bon ! Je t’ai donné une fière tante, et qui a son prix… qui a son mérite — aussi sûr qu’elle a son poids, ajouta-t-il en riant d’un gros rire.

— Une tante ! c’est pourtant vrai… et une cousine aussi, alors ?

— Et une cousine ! Tu as certainement vagabondé, pendant que je travaillais dans l’intérêt de la famille… faisant peut-être quelque mauvais coup… et tu viens vers ton oncle, vers l’oncle refuge ?

— Je n’ai fait aucun mauvais coup, et je n’ai nullement vagabondé, je puis vous l’assurer, mon oncle ; je vends des livres.

— Des livres ! Est-ce que c’est un métier ça !

— Ce n’est pas un métier, mais un commerce honnête, un bon commerce, un peu fatigant lorsque la balle est pleine.

— Ah ! voilà ! Fatigant… parce que tu le veux bien ! Enfin, je vois que tu en as assez ?

— Je n’ai pas dit cela.

L’oncle Risler pour mieux converser, s’était assis à l’extrémité de la plateforme, les jambes pendantes, ses genoux à la hauteur du visage de Jean. Il se retourna, et cria du côté où étaient l’escalier et l’entrée de la loge :

— Suivez, suivez le monde !… puis revenant à son parent : Vois-tu, Jean, il ne dépend que de toi de vivre avec plus d’agrément.

— Comment cela, mon oncle ?

— Regarde : chez nous, on est toujours en fête ! Cela ne te tente point ?

— Mais, franchement, que ferais-je avec vous ?

— Tu tiendrais la comptabilité, tu changerais les gros sous en argent chez les entrepreneurs qui paient leurs ouvriers en monnaie de cuivre, tu ferais certains achats, tu solderais les factures, tu copierais les rôles, tu les ferais répéter, tu les soufflerais de derrière le manteau d’Arlequin, tu allumerais la rampe au dedans et les lampions au dehors, tu poserais les affiches en ville… derrière la vitre des marchands de vins, en leur offrant des billets de faveur, tu distribuerais des prospectus dans la foule, pendant les représentations de jour… Bien d’autres choses encore !…

— Vous avez donc songé à tout cela ?