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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/508

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

leurs voyantes et des accessoires pour la scène : casques de carton, sabres de bois, piques de fer-blanc ; une couronne de papier doré, luisait entre une cage habitée par un serin de coton jaune, et un perroquet empaillé juché sur son perchoir. Çà et là s’ouvrait quelque malle laissée en désordre ; des matelas roulés servant à dresser sur la scène après les représentations des lits de camp pour les hommes, s’empilaient à côté de l’entrée des artistes.

Dans les angles, des recoins fermés de rideaux de cotonnade à carreaux ou à grands ramages, servaient de loges aux jeunes actrices ; mais les serviettes étendues sur des ficelles à côté de bas roses qui séchaient, les brosses roulant sur le parquet avec les chaussures, de petites glaces maintenues inclinées au-dessus des caisses bourrées des bagages de la troupe indiquaient, par les houppes à poudre de riz abandonnées hors de leur boîte, les pots de blanc de céruse et de fard rouge, les bouchons brûlés pour accuser les sourcils, un fourneau portatif avec ses fers à friser, que là s’étaient achevées les toilettes féminines. — Un poêle de fonte allumé combattait le froid de l’extérieur, pénétrant à travers les planches et les toiles.

Deux hommes en justaucorps, coiffés de toques empanachées jouaient aux cartes, — un tabouret leur servant de table, — en attendant de se montrer de nouveau en public, tandis qu’une jeune femme vêtue en page semblait repasser son rôle, et qu’une autre essayait sur un espace libre de deux mètres carrés l’effet d’une robe traînante et d’un manteau de cour.

L’éclairage de la salle pénétrait par nappes entre les coulisses, aux endroits où des planches posées sur des tonneaux, des baquets, des bancs improvisaient des escaliers rendant la scène accessible — côté « cour » et côté « jardin ». La voix des acteurs qui jouaient en ce moment arrivait par ricochet, amoindrie, mais assez distincte pour que Jean reconnût la voix de Cydalise — ce qui le troubla plus que toutes les perspectives que son oncle lui avait ouvertes. Les trois violons et la basse de l’orchestre accompagnaient d’un trémolo un récitatif ému, scandé non sans art par la pauvre enfant.

Tout à coup, une porte s’ouvrit dans une coulisse, et Cydalise portant avec une certaine désinvolture un très joli costume polonais s’élança hors de la scène. Jean n’eut qu’un pas à faire pour la recevoir dans ses bras.

— Donne-lui un gros baiser, dit Risler, puisqu’elle est ta cousine.

— Eh quoi ! c’est vous Jean ! s’écria la sœur de Maurice, surprise et un peu effrayée.

— C’est Jean Risler, en effet, reprit Jacob, le fils de mon bon cousin.