Aller au contenu

Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/510

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
502
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

secret de sa naissance, pensait-il que la fille de la baronne du Vergier devait plus souffrir encore qu’elle ne souffrait réellement…

— Je vous ai vu à Lille, lui dit Cydalise.

— C’est là que je vous ai retrouvée, murmura Jean.

Le tutoiement était supprimé.

— Oui, reprit le jeune garçon, je vous ai retrouvée avec bonheur, et j’ai tout fait depuis pour ne pas vous revoir.

— Mais pourquoi cela ?

— Parce que j’avais été trop malheureux après votre fuite du Havre, et que je craignais de vous causer de nouveaux ennuis, de nouveaux chagrins…

— Jean vous ne me dites pas toute la vérité. Mais d’abord, pourquoi de nouveaux chagrins ? Étiez-vous réellement pour quelque chose… dans ce départ précipité du Havre, à la suite duquel j’ai été retenue à l’étranger pendant plusieurs années ? Je vous dirai, que je m’en suis toujours un peu doutée…

— Eh bien ! je l’avoue, en effet, mademoiselle, j’y étais pour quelque chose… certaines paroles imprudentes dites à… votre mère adoptive…

— Chut ! fit la jeune fille en posant deux doigts sur la bouche de Jean. Et elle l’entraîna dans le coin le plus retiré de la loge. J’ai fait, dit-elle, plusieurs découvertes depuis nos conversations d’autrefois, sitôt interrompues. J’ai trouvé dans les effets de maman Risler — elle portait encore alors le nom de madame Cydalise — une robe d’enfant couverte de dentelles, ainsi qu’un collier de corail chargé d’un petit médaillon avec des lettres gravées…

— Quelles lettres ? demanda Jean, avide de mettre fin à ses derniers doutes.

— Une S et un V. Ce vêtement et cette parure ont tout d’un coup réveillé dans ma mémoire des souvenirs endormis depuis longtemps ! Je me suis rappelée ma première enfance, très différente de celle que j’ai menée depuis ; une belle dame, — une mère, la mienne, — m’apprenait une prière, le soir, tandis que les pieds nus sur ses genoux, je m’attaquais en vrai lutin à l’édifice de sa chevelure ; elle me berçait pour m’endormir d’une chanson dont l’air m’est revenu aussi. Je suis sûre, Jean, que j’ai quelque part des parents qui me pleurent, qui m’appellent, qui me cherchent. Ah ! comme c’est douloureux à penser ! Depuis le jour de cette découverte, je n’ai plus eu un moment de calme. Qu’avez-vous bien pu dire, au Havre, à maman Risler pour l’effrayer tant ? Si je le savais, peut-être ce serait pour moi un trait de lumière de plus.

Tandis que la jeune fille faisait ses confidences, Jean avait pâli. Il ne pouvait plus douter maintenant que Cydalise fut une autre que Sylvia. Ce doute,