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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/515

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

circonstance. Malgré tout, le baiser fut donné de mauvaise grâce, et froidement reçu. Après un moment de cette douteuse expansion :

— Où allez-vous en quittant Saint-Omer ? demanda Jean à Risler.

Ce fut sa femme qui répondit :

— Nous devons aller à Paris, à la barrière de la Nation pour la foire au pain d’épices ; de là à Versailles où nous serons le 1er mai ; la fête dure deux dimanches.

— Mais m’amour !…

— Me laisseras-tu parler, monsieur Risler ? Nous serons à Chartres vers la fin de mai ; de là…

— Mais, enfin, ce garçon ne t’en demande pas tant ! s’écria Jacob Risler impatienté. Il n’est pas encore des nôtres ! (Cela signifiait : Il n’est pas encore notre allié, notre complice).

Madame Risler comprit enfin que son mari pouvait avoir raison ; mais elle avait trop d’élan, elle poursuivit donc en s’arrêtant le plus tôt qu’elle put le faire :

— Au Mans, à Angers, où nous serons à la Fête-Dieu…

— M’amour ! fit Risler avec l’accent du reproche et quelque chose de désespéré, de suppliant dans la voix.

— Et puis après ? lui répondit la grosse dame, très vexée malgré tout d’être obligée de se taire sur l’injonction de son mari. Et un soupir d’éléphant souleva sa forte poitrine.

Jean retint ces noms de villes et ces dates : ce furent les paroles les plus importantes de l’entrevue. La conversation s’égara un peu sur divers sujets de médiocre intérêt pour lui, et il se retira au moment précis où son « oncle », pour plus de sûreté, allait le mettre à la porte. Il fut entendu qu’on se retrouverait à Versailles : Jean ayant l’entière liberté de ses mouvements, se proposait de visiter le Beauvoisis et le Valois pendant que les grandes troupes, poursuivant leur itinéraire, séjourneraient à Paris.

— Alors, c’est chose convenue, mon petit, lui dit madame Risler au moment où il la quittait : vous nous rejoindrez à Versailles !

Jean prit le chemin de fer pour Beauvais, sans avoir pu se décider à revoir Cydalise : il craignait de trop s’engager vis-à-vis d’elle ; d’autre part, la perspective de vivre, même peu de temps dans ce milieu vulgaire et rebutant à peine entrevu, lui causait une véritable terreur. Plus irrésolu que jamais, il se persuada toutefois qu’il devait à l’intéressante baladine de ne pas s’éloigner trop d’elle, et il comptait bien que, soit par Risler, soit par sa femme, la jeune