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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/518

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

certaines particularités locales. Devant les chaumières, dont les vignes et les roses grimpantes s’essayaient déjà à festonner les murs, des fileuses matinales coiffées de mouchoirs rouges, travaillaient réunies. Le soir, des fillettes dansaient en rond sur l’herbe courte en chantant d’anciens airs transmis par leurs aïeules, avec des paroles d’un français très pur : Jean s’étonnait de ce vieux pays de Valois, où, pendant plus de mille ans a battu le cœur de la France.

Une fois, il entendit une chanson psalmodiée par un petit vacher couché près de ses bêtes. Elle était bourrée de noms qui ne figurent guère sur nos almanachs ; et il retint ce couplet :

Il y avait dedans le pré
Sept belles filles à marier
Y avait Ulinc,
Y avait Ubine,
Y avait Ulot,
Umelot,
Suzette et Ardelot.
Y avait la belle Suzenne !

Ce dernier vers était dit sur un ton creux, — du fond de l’estomac.

Jean se demanda si le jeune garçon ne faisait pas allusion aux sept vaches blondes qu’il gardait « dedans » le pré, plutôt qu’à sept belles filles à marier.

Le pauvre petit colporteur s’en allait tout songeur par les chemins bordés de pommiers à tête ronde, gagné par la mélancolie de ces campagnes trouées çà et là d’étangs, qui épanouissaient leur végétation aquatique sous le soleil d’avril ; l’instant d’après, il se sentait attristé par la solitude des forêts, et s’il soupirait c’était moins pour reprendre haleine sous le poids de sa balle, que pour soulager son cœur.

Il eut ainsi à visiter Crépy, la capitale minuscule du comté et qui n’a guère plus de 3,000 habitants ; puis de là sa route passa par Morienval et Pierrefonds, Compiègne, Verberie, Pont-Sainte-Maxence, Senlis, Ermenonville, Chantilly, Nanteuil-le-Haudoin, Thury, la Ferté-Milon ; même il voulut faire une pointe dans l’Aisne, pour ne pas dédaigner Villers-Cotterets qui appartient aussi à l’ancien Valois : après cela c’était peut-être tout bonnement pour pouvoir se vanter plus tard d’avoir vu la ville où est né Alexandre Dumas.

Ce qui l’intéressa surtout, ce fut Compiègne, avec son château à proximité d’une belle forêt qui s’étend tout autour de la ville, enserrant au milieu de