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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/534

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

l’Elbe, plus long que le pont de Tours, plus long que le pont de Waterloo à Londres ; c’est enfin un des plus beaux ponts du monde. Il a coûté six millions et demi.

La vue, que de ce pont l’on découvre sur la Garonne et ses deux rives, est bien faite pour flatter et retenir les regards. C’est un grandiose panorama aux chaudes couleurs avivées par l’ardente lumière des soleils du Midi. La puissante ville se dessine en demi-lune derrière une forêt de mâts. Dépassés par les hauts clochers, s’alignent les maisons et les beaux édifices qui font une bordure architecturale aux quais. D’une extrémité à l’autre des deux extrémités de la courbe, — de la gare maritime au quai de Bacalan, — la vue s’arrête sur les importants chantiers de constructions navales, la corderie, l’arc de triomphe de la porte Saint-Julien, l’hôtel des douanes et la Bourse qui semblent décorer l’ancienne place Royale ; sur la place des Quinconces, espace laissé libre par la démolition du vieux château Trompette ; sur les belles maisons du quai des Chartrons habitées par le haut commerce, enfin sur l’ancien moulin de Bacalan, devenu une fabrique de poteries. La rive droite de la Garonne voit croître et s’agrandir le faubourg de la Bastide.

Le flux et le reflux de la mer se font sentir sensiblement sur le fleuve, où le mouvement de la navigation est des plus animés. Le port de Bordeaux peut contenir douze cents navires. Il est en relations suivies avec l’Angleterre les Antilles, l’Amérique espagnole et les colonies françaises ; navires à voiles et bateaux à vapeur exportent les vins et les spiritueux de la région — où l’anisette tient un bon rang, — des tissus, des cuirs ouvrés, des papiers, des soies, des porcelaines ; et ils introduisent dans notre pays les produits coloniaux, les fers, étain, cuivre et plomb, les viandes et poissons salés, les houilles anglaises, etc…

Du haut du magnifique pont, Jean voyait tout ce transit se développant librement le long de quais vastes et sans parapets, avançant dans l’eau des jetées en bois pour faciliter le débarquement des gros navires. Aux arrière plans de la ville se traînaient les fumées des fonderies, des fabriques de savon, des distilleries d’eaux-de-vie, des raffineries de sucre, des manufactures de faïence et de porcelaine…

Lorsqu’il pénétra dans les rues de la ville, aux maisons élevées, — avec de hautes fenêtres — et qu’il se trouva en contact avec cette active population de 200,000 habitants, dont les femmes du peuple aiment à se coiffer d’un madras de couleur éclatante posé très en arrière et qui laisse échapper quelques boucles de cheveux sur la nuque. Jean éprouva une deuxième surprise :