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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/560

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Que nenni ! Vous auriez dû m’appeler Guillaume, et non pas Maurice.

— Guillaume ! Voyez-vous ! le beau Guillaume, peut-être ?

— Non, Guillaume le Conquérant. À mes yeux miss Kate personnifie, idéalise l’Angleterre…

— Vous êtes fou, vous dis-je ! Et le baron, votre père, a eu le grand tort de flatter vos lubies. Donc ce pauvre sir William bat la campagne ?

— Vous ne sauriez mieux dire, maman ; il est en France, on ne sait où. C’est ce qui fait la désolation de sa famille…

— Et ce qui vous cause une si grande joie ?

— Dame ! C’était comme un duel. Je sentais mon cerveau se troubler. Je préfère que ce soit lui qui entre en ébullition !…

— Taisez-vous ! c’est insupportable, et l’on voit bien que je vous ai trop gâté. Je serai plus ferme à l’avenir ; c’est pour Sylvia que je réserverai mes faiblesses, et vous aurez en moi une mère beaucoup moins indulgente que par le passé… Comptez-y !

— Ta, ta, ta ! chère maman, vous ne voulez pas la mort de votre fils ?

— Et c’est par cette lettre de miss Kate que vous avez appris toutes ces choses ? demanda la baronne, abandonnant sa feinte sévérité.

— C’est par cette lettre, répondit son fils, qui posa de nouveau avec émotion une main sur son gilet.

La baronne sollicitant de plus amples explications, Maurice lui fit une traduction libre de la missive de la jeune miss. Il résultait de cette lettre que le baronnet avait quitté les siens depuis plusieurs jours, brusquement, sans motif plausible. On venait d’apprendre qu’il avait passé le détroit et qu’il se trouvait en France. Sir Henry Esmond, son gendre s’apprêtait à aller à sa recherche. Miss Kate l’accompagnait ; mais pour lui laisser la liberté de ses mouvements elle se rendrait directement à Caen, comptant demander au baron du Vergier d’user de ses relations et de son influence pour lui venir en aide.

— C’est une excellente fille, dit la baronne, et je me plais à croire que vous saurez lui cacher la satisfaction que le chagrin de sa famille a l’heur de vous procurer.

Cette fois Maurice se tint pour battu. Ramené à ses véritables sentiments, qui étaient bons, il promit à sa mère de se montrer sérieux ; mais, comme pour se dédommager d’une réelle contrainte, il fit fête à Sylvia de la compagne qu’elle allait avoir.