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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/565

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

non sans que la gentille baladine — qui ne l’était plus — ne fût allée serrer la main au brave géant, et dire adieu au Breton et à plusieurs de ses compagnes. Alors, dans cette intimité nouvelle, les larmes, comme une rosée bienfaisante, recommencèrent à couler et, cette fois, sans contrainte. Le baron parla à Sylvia de Maurice à qui elle ressemblait tant. La mère sollicita et reçut les confidences de la jeune fille. On nomma Jean. On s’étonna de sa conduite. Il fut blâmé et loué tour à tour par les mêmes bouches, qui déraisonnaient dans l’excès de la joie commune. Laissons à leurs effusions ces honnêtes parents et l’enfant qui leur était rendue…

Jean, dès que la population de Lourches fut un peu remise de son émoi, fit rechercher Hans Meister, en le désignant par tous les moyens capables de le faire reconnaître. Malgré les indications fournies par le jeune Parisien sur ce qui s’était passé dans la fosse Saint-Mathieu, un peu avant l’explosion du grisou, on ne put trouver aucune trace de l’Allemand. Jean se plaignit à qui de droit du vol et des violences du bois du Mont-Mal ; il parla aussi des papiers, si précieux pour lui, dérobés au sauveteur d’Ingouville. Dans l’inventaire de ce que contenait la valise du palefrenier absent ou mort, figurait le carnet du Risler (Louis) fusillé à Fontenoy-sur-Moselle. Promesse fut faite à Jean de le mettre dans un délai voulu en possession de cet important document, ou de lui en délivrer copie.

Ainsi Jean avait enfin réussi dans la chose qu’il tenait le plus à cœur de réaliser ! Encore quelques jours, et il pourrait prouver à tous que son père avait été indignement confondu avec un traître, un vil espion. Et maintenant l’orphelin ne serait plus réduit à cacher un nom déshonoré ! Personne ne pourrait lui contester que le brave soldat de l’armée d’Italie, tombé le lendemain du coup de main de Fontenoy, ne fût son père ! La vie s’ouvrait devant lui avec des aspects nouveaux ; la lumière du soleil lui semblait plus intense, l’air qu’il respirait plus pur, son cœur battait plus vite et un sang plus chaud circulait dans tout son être. Comme il se glorifiait du résultat obtenu ! C’était sa première œuvre, son premier combat ; mais il se sentait plein de confiance dans l’avenir. Par le travail il forcerait la destinée.

Un point noir seulement dans tout ce ciel si bleu : la perte de la petite baladine de la troupe Risler — et neveu… Mais qu’était cette perte au prix de la tranquillité de sa conscience ? qu’était-elle comparée à la certitude d’avoir fait son devoir, sans plus aucune honteuse restriction ? d’avoir assuré le bonheur de la fille de la baronne ? d’avoir rendu à la vie la baronne elle-même ? Il marchait droit devant lui ; il pouvait lever le front ; il aurait