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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/581

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

était tout entier à l’idée de voir sur son chemin Vitré, d’où était sa mère, ainsi qu’il l’apprit à Jean en ces termes :

— Ma mère, c’est une Vitriasse de Vitré, une demoiselle de la rue Poterie, oùs qu’y a des vieilles maisons de bois à auvents, avec un saint sculpté à chaque huis. Son père, qui était mon grand-père, faisait des sayons de peau de bique ; ce qui est un peu plus cossu que d’être tailleur, sauf respect, comme mon beau-père, — qui n’est pas bon tous les jours, vrai comme un camouflet vaut vingt-huit chopines.

À Saint-Pierre-la-Cour, le train sortit du département de la Mayenne pour entrer dans celui d’Ille-et-Vilaine : c’était la Bretagne…

Les paysans et les artisans qui montaient ou descendaient aux stations avaient le type breton nettement accentué, et portaient les divers costumes de la région ou ceux des Côtes-du-Nord et du Finistère, costumes toujours reconnaissables à quelque particularité, — surtout dans la coiffure des femmes. C’était une révélation pour Jean, qui ne connaissait guère de la vieille province que Nantes et ses environs. Il avait la surprise de voir une veuve de Pont-l’Abbé portant le deuil en jaune. Une jeune femme du Léonais habillée de blanc et de noir avec l’ampleur d’un vêtement monacal, prenait place à côté d’une femme âgée, sa mère, autre veuve, en bleu celle-là. Pour les hommes, la blouse bleue de travail cachait parfois la veste de drap. Généralement, ceux qui étaient venus de loin pour affaires et retournaient chez eux, avaient revêtu le costume du dimanche, propre et sévère, en drap noir.

Les paysans de Pont-Aven et de Douarnenez arboraient le large chapeau de feutre, la veste tout ouverte et laissant voir les rangées de boutons du gilet, la culotte courte, les guêtres, la ceinture de laine. De belles filles des environs de Quimper avaient de faux airs de Bernoises, avec leur courte jupe rouge, le corset entr’ouvert et le bavolet blanc ; les hommes qui les accompagnaient portaient les larges braies tombantes.

Avec les montagnards de l’Arrée et des Montagnes-Noires reparaissaient les culottes serrées et courtes. Des femmes de la région des marais salants se coiffaient de bonnets de linge à longues barbes, relevées sur le sommet de la tête ou pendantes, et formant un très doux encadrement au visage. Un Léonard, grand, avec sa mine sévère, l’abondante chevelure des anciens Kymris tombant sur les épaules, enveloppé de vêtement noirs amples et flottants, le chapeau à larges bords, sombre costume tant soit peu égayé seulement par une ceinture rouge ou bleue, s’asseyait gravement en face son de voisin du Trégorrois, brun, celui-là, vif, emporté, joyeux. Et il