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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

et sans transition, brusquement, se déroulaient les plateaux boisés, ressemblant à des parcs verdoyants, les épaisses forêts, les collines couvertes de hêtres ; sur chaque hauteur, les ruines colossales d’un château enveloppées d’un manteau de lierre ; des chênes plantés en abondance dans la plaine bretonne, — courts, trapus, solides, qu’aucun vent ne courbe, image des Bretons eux-mêmes ; des plantations de châtaigniers, des étangs limpides.

Au tournant d’un bois, à la croisée de deux chemins — rarement toutefois — surgissait la chaumière délabrée du paysan pauvre, dont le toit s’abaisse jusqu’à terre, dont on aperçoit l’intérieur noirci par la fumée des ajoncs et des bruyères, seul aliment de l’humble foyer ; le jour n’y pénètre que par la porte. Et à vrai dire, cette misère est plus apparente que réelle, car la charité est admirable dans les campagnes bretonnes et sait accomplir des prodiges. Un peu plus loin, sous bois, c’étaient les huttes en terre et en branchages où les sabotiers installaient leurs familles pour façonner sur place le hêtre, le bouleau, le noyer et quelquefois le tremble. Les hommes s’interpellaient dans une langue gutturale.

Les animaux se montraient différents de la plupart des animaux de leurs races, les vaches, de petite taille : elles sont sobres et résistantes à la maladie, riches en lait ; les chevaux, petits de taille aussi, durs à la fatigue.

Le granit dans plus d’un endroit affleurait nu, avec des teintes grises, brunes, rouges ou verdâtres ; des pierres mystérieusement posées dans des solitudes avaient vu sans doute, jadis, autour d’elles une foule de fervents d’un culte sanguinaire ; des calvaires se dressaient sur les pentes et des croix aux carrefours, où priaient à deux genoux les vieux paysans et les jeunes filles ; et, par moments, lorsque le train se rapprochait du littoral, arrivait par bouffées ce vent du large dont s’emplit avec délices toute poitrine de Breton.