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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/597

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Mais ce qui n’était pas dans le programme, c’est l’animation extraordinaire qui régnait sur la route, aux abords de la petite ville, et surtout devant le cabaret de la mère Mélaine. Qu’était-ce donc ? qu’était-il arrivé ? Le retour de Méloir étant éventé, songeait-on à lui préparer une réception ?

Une vieille coutume s’est conservée en Bretagne à l’occasion des mariages, le « festin de l’armoire » : c’est l’installation en grande pompe, au domicile conjugal, de l’armoire neuve aux ferrures brillantes, principale pièce du mobilier du jeune ménage. Cette cérémonie se pratique d’une façon plus ou moins originale, dans le pays de Tréguier, en Cornouailles, dans le Léonais et dans la plupart des autres régions de la Basse-Bretagne.

Ceci dit, on comprendra pourquoi nombre d’invités se pressaient ce jour-là, près de Landerneau, autour d’une de ces armoires de mariage.

Placée sur un char orné de feuillage, elle était traînée par des chevaux à la crinière tressée de rubans. Un attelage de ce genre appartient d’ordinaire aux parents de la jeune fille. Il en était ainsi cette fois ; les animaux de la ferme, — génisses et moutons au premier rang — suivaient. Deux joueurs de biniou, une bombarde et deux violons marchaient en tête du cortège. Et l’on approchait de la demeure des nouveaux époux.

La coutume veut que lorsqu’il s’agit d’installer l’armoire, deux partis se forment parmi les jeunes gens de l’assistance et qu’une lutte simulée s’engage : les amis de la mariée semblent trouver la maison peu digne de la recevoir et font mine de rebrousser chemin — avec leur armoire ; mais les amis du marié n’entendant pas les choses de cette façon ; ils s’opposent à cette tentative injurieuse, et recourent à la force pour s’emparer de l’armoire, la garder, et lui donner sa destination.

Enfin on paraît s’entendre et jeter les bases d’un traité. La maîtresse du logis s’empresse aussitôt de couvrir l’armoire d’une nappe blanche ; elle y pose deux piles de crêpes, un broc de vin et un hanap d’argent. Le plus âgé des parents du mari remplit la coupe, la présente au chef de la famille de l’épousée et l’invite à boire et à goûter aux crêpes ; l’autre trempe discrètement ses lèvres, repasse la coupe à celui qui lui a fait politesse, et à son tour lui offre des crêpes. Chacun des parents des deux côtés fait entrer les invités, d’autant plus nombreux qu’en Bretagne chaque invité paie son écot ; — et l’armoire est placée bien en vue au milieu des applaudissements de tous.

Au « festin de l’armoire, » qui avait lieu aux portes de Landerneau, figuraient deux jeunes gars de Roscoff, cousins de la mariée. On les reconnaissait à leur habit de serge blanche sur lequel se dessinait une large ceinture de