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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/599

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

y tombaient drus, faisant tourbillonner les gars ahuris : Vère ! on se fâchait pour tout de bon de ce côté-là : quelque grincheux, quelque mal appris qui ne savait pas recevoir en riant un horion administré d’une main un peu lourde.

On s’écarte, le vide se fait devant le rude et fâcheux trouble-fête, et Flohic voit soudain devant lui son rival détesté : Méloir, menaçant, terrible, prêt à faire couler le sang au milieu de cette noce villageoise. Il venait de s’emparer d’un lourd bâton arraché à l’un des assistants et il faisait le moulinet pour écarter la foule et se trouver en quelque sorte seul à seul avec celui qui lui ravissait Vivette. Son visage était écarlate, il riait à grince-cœur ; ce n’était plus un homme, c’était un loup à face humaine.

Méloir s’arrêta à trois pas de Flohic, et il éclata d’une voix tonnante :

— Sarpegoy ! Je te vas faner d’un coup de talon comme si t’étais un écorpion !… dit-il. Ah ! fils de chien ! Ah ! vilain singe ! Voyez-vous le failli drôle ! comme je n’étais plus là, il avait le beurre devers la langue et prenait le beau rôle, il s’a donné la bride belle. Je t’avais pourtant arrangé pour que tu n’y penses plus brin ni miette, à cette rousse, qui n’était pas pour toi. Aussi vrai qu’un camouflet fait vingt-huit chopines, c’est moi qu’il lui fallait à Vivette, un mari à trois poils, vertubieu ! Mais voyez-le donc, avec son grand nez !

— Jamais grand nez n’a diffamé beau visage, répondit Flohic très calme. Il s’était remis de sa première surprise, et en somme il triomphait. Tu ne me fais pas peur, reprit-il, avec tes yeux de chat fourgoté[1].

Méloir bondit, et comme le cercle se resserrait de nouveau autour de lui et de Flohic, il s’adressa à ceux qui le gênaient dans ses mouvements.

— Vous autres tous, cria-t-il, qu’êtes venus vous enracailler, arrière, ou je vas vous piler, sarpegoy ! Je n’ai point jamais vu un ramassis de gars aussi vilains…

Une main s’avança. Méloir poursuivit en se reculant :

— Rangez-vous, Riquet, le bel homme, ou je vas vous arrocher. Comme le Breton Riquet, — un meunier, cousin de Vivette, — faisait mine de persister à s’interposer, Méloir l’injuria sans mesure :

— Ce gros pourciau-là ! Guette à te ranger ! À bas les pattes ! Et le poignet du malencontreux pacificateur craqua broyé par le bâton de Méloir.

Le meunier allait répliquer et rendre injure pour injure et coup pour

  1. En colère.