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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/635

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

s’accommoderait bien la culture ; mais les paysans sont habitués à utiliser à leur façon les touyas, dont ils se servent pour la litière de leurs animaux, et, lorsque la place fait défaut, ils s’expatrient, — tout simplement. C’est pourquoi la population des Basses-Pyrénées fournit à l’émigration vers le Nouveau-Monde un contingent si considérable.

De temps en temps la voie franchissait un pont. Des paysans se montraient, portant le costume basque : veste bleue en drap ou en velours, pantalon de même étoffe, chemise très blanche, ceinture de soie rouge tournée plusieurs fois autour du corps et dans laquelle le Basque glisse sa pipe, sa bourse et son couteau ; sur la tête le béret, au cou une cravate peu serrée, aux pieds des chaussures de corde, auxquelles on attache des grelots pour l’exécution des danses nationales ; à la main le lourd bâton de néflier rouge, solidement ferré et qui à l’occasion devient une arme terrible. Chez les femmes, le noir dominait dans le vêtement, surtout pour les mantelets et les tabliers des dimanches.

D’heure en heure le baronnet disait d’un air madré :

— Aôh ! Ce n’est pas cette département qui est à vendre ?

— Non, non, répondait invariablement Maurice. C’est plus au nord, tout à fait au nord.

— Du côté de la Normandie ? faisait le baronnet ; oh yes !

Après Sames, se présenta à gauche dans la plaine le confluent de l’Adour et du gave de Pau ; puis Peyrehorade, au pied d’une colline que couronnent les ruines du château d’Aspremont ; la nuit venait lorsqu’on se trouva devant Puyôo, où se réunissent les chemins de fer de Bayonne et de Dax.

On passa devant Orthez, à la nuit close. Nos voyageurs n’entrevirent que bien vaguement cette ville, de près de 7,000 habitants, bâtie au pied d’une colline, sur la rive droite du gave de Pau. La superbe tour de Moncade, donjon du palais des comtes de Foix, se dessinait en noir sur le plateau accessible seulement par l’est, où elle a été élevée au treizième siècle. Une odeur caractéristique trahissait un centre de tanneries et de mégisseries. À Orthez, où les fontaines sont rares, des porteurs d’eau font un service actif entre la ville et le Gave, où ils vont remplir leurs tonneaux près d’un très ancien pont fortifié ayant plusieurs arches en ogives. Au milieu du pont il y a une tour dans laquelle s’ouvre le passage.

De Lescar (1,800 habitants), ils ne virent ni la cathédrale romane que les touristes visitent, ni le vieux château en briques avec sa tour carrée, ni le beau château moderne, appartenant à la famille Dariste.