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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/636

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Lorsqu’ils arrivèrent à Pau, il était près de dix heures du soir. On ne pouvait songer qu’à trouver un hôtel. Le baronnet descendit « avec sa suite » à l’Hôtel de France, où un repas fut aussitôt servi aux voyageurs, arrosé de ce vin de Jurançon, — produit d’un coteau voisin, — dont Henri d’Albret fit avaler quelques gouttes à son petit-fils nouveau-né avant même le lait de sa nourrice. Maurice prit soin de faire sustenter largement Méloir à la cuisine, où le vin de Jurançon même, malgré son prix élevé, fit son apparition.

Le lendemain matin, de bonne heure, tout le monde fut sur pied. Jean ne voulait pas quitter cette ancienne capitale du Béarn sans voir d’un peu près le château où est né Henri IV, ni, rue de Tran, la maison de Bernadotte, devenu roi de Suède, comme l’autre Béarnais devint roi de France. Jean entraîna donc Maurice, et reconnut la situation du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées, bâti sur le bord d’un plateau stérile d’où il domine d’une quarantaine de mètres les vallées du Gave et de l’Ousse. Sur le Gave est jeté un pont de sept arches. Un ruisseau profondément encaissé, l’Hédas, sépare la ville en deux parties reliées par cinq ponts. La plus grande moitié est celle qui se trouve resserrée entre le ravin de l’Hédas, le Gave et l’Ousse.

De ses maisons, de ses terrasses, de ses jardins, ils virent se développer un vaste panorama, terminé au sud par cette magnifique ligne des Pyrénées, — une succession de sommets s’étendant à droite et à gauche à perte de vue, hachant l’horizon, — et au centre desquels s’élève le pic du Midi de Pau.

À l’ouest de cette partie de la ville, un promontoire escarpé et couronné par ce château de Pau, si pittoresque avec les cinq tours carrées aux toits pointus qui le flanquent et le donjon de Gaston Phébus. Il est réuni à la ville par trois ponts.

Dans les rues on parlait des idiomes variés : c’est que le climat de Pau attire nombre d’étrangers et de valétudinaires qui y font volontiers un séjour avant de se rendre aux diverses stations thermales des Pyrénées. Ce mouvement de voyageurs supplée à l’activité industrielle à peu près absente, sauf quelque travail de manufacture consistant en toiles et mouchoirs. — Quant à visiter le château, il n’y fallait pas songer…

Il était près de neuf heures, lorsque le baronnet s’installa confortablement dans un wagon de première classe avec ses deux compagnons de voyage, — dont il voulait faire des complices. De son côté, Méloir faisait l’admiration des gens de la campagne qui garnissaient un wagon des troisièmes : ils n’avaient jamais vu de Breton, et le gars racontait des merveilles de Landerneau. Il trouvait même de bonnes âmes disposées à s’attendrir sur l’infortune