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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/64

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Mais les deux pauvres femmes étaient mortes pendant le siège ; la mère de Jean soignant sa mère à elle, déjà malade au moment de l’investissement de Paris, ne réussit pas à la sauver, et succomba quelques semaines plus tard aux atteintes d’un mal contagieux.

On sait que Jean avait une sœur un peu plus jeune que lui. La petite Pauline avait été recueillie par son oncle Antoine Blaisot, frère de sa mère, ouvrier ébéniste dont on indiqua la demeure au charpentier bordelais ; c’était dans la rue du Faubourg-Saint-Antoine.

Bordelais la Rose mena Jean à son oncle, qui fut enchanté de le voir vivant : déjà la grand’mère, — l’autre grand’mère, celle de Lorraine, — envoyait du pays des lettres désolées. À toutes ses questions, Antoine n’avait pu répondre d’une manière positive qu’en annonçant à la vieille Lorraine la mort de sa bru ; de Jacob Risler et du petit Jean il ne savait absolument rien. La grand’mère réclamait Pauline. L’oncle Antoine, qui était veuf, résolut tout de suite de rendre sans tarder à la bonne dame et Pauline et Jean, et il s’en expliqua avec Bordelais la Rose.

L’ancien zouave pensait avoir rempli convenablement sa tâche ; il dit adieu au petit Jean, l’embrassa tendrement, et lui fit promettre de lui écrire souvent, « lorsqu’il serait grand et qu’il manierait une plume ». Ses lettres le trouveraient toujours à Mérignac, près de Bordeaux, où il comptait se retirer dans une vigne dont il avait hérité quelques mois avant la déclaration de guerre.

Jean et Pauline furent conduits par leur oncle au Niderhoff. Ce fut avec une joie douloureuse que la vieille grand’mère rentra en possession des deux enfants de son fils. Pendant un temps, la bonne femme s’attacha ardemment à croire que Jacob, fait prisonnier, vivait encore dans quelque prison d’Allemagne, — ou, blessé, dans quelque hôpital ; mais les prisonniers revinrent, les blessés revinrent à leur tour, et tout espoir s’évanouit.

Toutefois Jacob avait été pleuré déjà ; il ne le fut pas de nouveau. Une préoccupation absorbait la vieille Lorraine : quitter le village que les Prussiens avaient acquis le droit de garder pour toujours.

Elle ne voulait pas que son petit Jean fût Allemand, et dans les derniers jours de septembre 1872, au moment où allait expirer le dernier délai accordé à ceux qui refusaient d’opter pour la nationalité étrangère, la vieille Gertrude, aidée de ses voisins et des cousins Risler, — le mari et la femme, — chargea sur une charrette tout ce qu’elle pouvait emporter, et emmena son petit-fils à Dommartin, près Toul, par des routes encombrées d’un peuple