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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

vagues, de véritables houles, agitèrent et déchirèrent la masse opaque qui surplombait, et qui se déchira en nuages isolés.

Ce sont là de beaux spectacles et qu’on n’oublie jamais.

Enfin Maurice décida le baronnet à abandonner Luchon ; mais alors il voulut aller à Luz : c’était si près ! Et de là on visiterait le cirque de Gavarnie, on irait voir la brèche de Roland. Quelles objections faire ? On partit donc ; et une fois à Luz, sir William voulut aller loger à Gavarnie même, où se trouvait un hôtel, un grand hôtel, sur lequel les touristes rencontrés, ne tarissaient pas d’éloge : un hôtel moderne dans un village des Pyrénées !

Gavarnie n’est en effet qu’un bien petit village — une ancienne propriété de l’ordre de Malte. Il doit sa réputation au cirque dont il porte le nom et qui se trouve à une heure de marche.

Ce cirque immense est situé au centre des plus sauvages montagnes, et à l’extrémité d’une vallée ravagée, que les paysans appellent le Chaos, à 1,220 mètres d’altitude. Il mesure trois mille six cents mètres de tour et quatre cents mètres de hauteur, et présente trois étages de murs perpendiculaires, divisés en de nombreux gradins. Au-dessus de ses sommets qui portent leurs glaces éternelles dans l’azur du ciel, il est dominé par les môles énormes d’Estazou, par les crêtes du Taillon, par le pic de Marboré, les tours de Marboré et le Cylindre. Des milliers de filets d’eau venus de la plus haute assise bondissent de gradin en gradin.

L’une des deux cascades principales, qui ne tarissent jamais, et que l’on considère comme la source du gave de Pau, se précipite du haut d’une roche qui surplombe à plus de quatre cents mètres de hauteur, vient frapper une saillie vers les deux cinquièmes de sa chute, et se brise plus bas, sur une projection plus saillante de la même roche. La fraîche et transparente vapeur se balance, flotte en avant de la roche trempée, et rejaillit en poussière d’argent, dans un murmure monotone donnant l’illusion du bruissement des feuilles que le vent froisse.

À l’ouest du cirque de Gavarnie, les guides conduisirent les touristes à la célèbre brèche de Roland. C’est une muraille creuse, dont la convexité est tournée vers la France et qui mesure trois cents pieds d’élévation. La solitude est affreuse : nulle végétation : rien que des neiges accumulées du côté de la France à une hauteur considérable. Cette barrière formidable élevée entre deux pays voisins est un véritable passage de contrebandiers.

La légende prétend que sur le point d’expirer, et pour ne pas laisser tomber aux mains des infidèles Durandal, sa vaillante épée, le preux Roland